Histoire secrète n°9 : J'ai dépensé un nombre à trois chiffres pour une bande dessinée

Parmi mes nombreuses collections pas toutes utiles, il en est une qui me tient particulièrement à cœur: les albums du journal Spirou. Tout ça parce que, un beau jour d'octobre 1995, j'ai acheté un journal vendu avec un cédé, celui de «la première bédé à lire avec les oreilles», le numéro 3000 de Spirou. Quelques mois plus tard, je trouvais par hasard, sur l'une de mes premières brocantes, de vieux numéros du même journal, certains de 1976, d'autres de 1983, avant de découvrir que les vieilles reliures des années 1970 étaient de vrais beaux objets à ranger dans une bibliothèque. Et c'est ainsi que, de fil en aiguille, je me suis retrouvé à rechercher ces vieux albums, pour finalement réunir une très importante partie des numéros des années 1976/1987, et m'en contenter, parce que, de toute façon, l'album numéro 1 de 1938 coûtait bien trop cher pour moi.

Mais un jour, j'ai cédé à la tentation et me suis offert l'album 47 comprenant les 14 numéros parus au 4ème trimestre 1953. Mais pour cela, il me fallait faire des frais comme je n'en avais jamais fait et accepter de dépenser 100€ pour un ouvrage de bandes dessinées. Des bandes dessinées d'une grande époque, avec des aventures de Spirou et Fantasio par Franquin, le début d'Oscar et ses mystères (dans la série Tif et Tondu), les premières pages de la grande saga des Timour, les fameuses belles histoires de l'Oncle Paul, La machine à conquérir le monde... avec Jean Valhardi ou Le Maître de Roucybeuf quand Johan ne connaissait pas encore Pirlouit. Et puis aussi les trépidantes aventures de Buck Danny, juste à la fin de la guerre de Corée, et ses méchants asiatiques à la peau si jaune.

Car un album de Spirou de l'époque permet non seulement de se plonger dans toute une période de la bande dessinée, mais aussi (et surtout) dans une page de la société. C'est qu'on ne pouvait pas donner n'importe quoi à lire aux têtes blondes très très blondes de 1953 et Monsieur Dupuis n'aurait jamais toléré un magazine simplement illustré sans en profiter pour essayer d'inculquer de saines valeurs à la jeunesse. Les saines valeurs, par exemple, c'est un peu de sport, comme une initiation au plongeon entre deux pages consacrées au sport, à l'automobile ou à l'aviation, quelques mots croisés niveau difficile ou des jeux fort amusants présentés par des scouts consistant à associer des pattes à des têtes d'animaux. Et puis, bien sûr, c'est aussi faire découvrir la vie des grandes personnalités du monde. On y trouve ainsi la biographie de Saint François-Xavier, parce que c'est important, l'histoire d'un homme qui part évangéliser la Chine et le Japon au 16ème siècle. C'est même une histoire tellement forte que les illustrations sont finalement secondaires (et heureusement non signées, pour ne pas être un fardeau honteux pour leur auteur).

Un peu plus tard, les albums 45 et 46 ont rejoint leur petit frère (et pour deux fois moins cher) et ont confirmé un peu plus encore qu'on ne fait plus de la presse jeunesse comme en 1953, même si c'est évidemment capital de faire découvrir d'autres cultures aux enfants, comme les Boolis, les Peaux-Rouges d'Afrique qui croient arrêter la pluie en agitant un rameau feuillu après s'être mis une graine dans la en bouche, ou ces Australiens primitifs qui, malgré leur ignorance, sont d'excellents décorateurs. Mais ces archaïsmes sont réellement passionnants à découvrir, et c'est aussi pour ça que l'idée, un jour, de dépenser un nombre à quatre chiffres pour les tout premiers albums, ne me choque pas.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Lilly-Fleur Pointeaux nue (n'est pas dans ce billet)

À lit ouvert

Le cadeau de Noël