Ma cabane au Canada

S'il fallait trouver le vrai événement télévisuel de ce début d'année, ce serait inévitablement la diffusion sur TF1 de L'amour aller-retour, le premier premier rôle de Garou à la télé, un programme audacieux et un vrai pari risqué pour la chaîne. Imaginez donc la gêne inévitable, à la machine à café, quand il faut évoquer la soirée télé de la veille, et la nécessité de changer de sujet pour ne pas avoir à avouer avoir regardé un téléfilm avec un chanteur sur le déclin qui sort avec Lorie et subir l'opprobre des collègues. Et ce n'est qu'une raison parmi tant d'autres! Mais puisque j'ai justement prévu de ne croiser personne demain, et que de toute façon je ne parle pas de mes soirées télé à mes collègues, il n'y avait aucune raison que je ne me délecte pas de ce programme forcément prodigieux, dont toute la critique télé a tenu à souligner que Garou se débrouillait bien et que ce n'était donc pas sa faute.


L'amour aller-retour, c'est l'histoire de Garou, un architecte qui a décidé de partir vivre seul dans la forêt canadienne, qui, à entendre son accent, pourrait bien être la rivière de son enfance. S'il a quitté Paris, c'est aussi parce que sa petite amie, au cours d'une soirée off the record aux alentours de leurs quatre ans de relation, lui a fait l'aveu qu'elle ne voulait pas d'enfant, ni de lui ni de quiconque. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais il s'agit d'une fiction au top de la modernité: Mademoiselle est écrivaine et, justement, elle vient de finir un pavé sobrement intitulé L'amour et moi, avec sa tête en gros sur la couverture comme sur les best-sellers de Laurence Pernoud. Et dans ce livre, elle évoque, à vingt-six reprises, sa vie intime avec Garou, qui pourrait valoir un procès à son éditeur qui sait bien dans quel monde procédurier on vit. Ni une ni deux, la voilà donc en route, avec sa meilleure amie et l'avocat de l'éditeur, pour le fin fond du Canada, juste pour faire signer une sorte de décharge à Garou.

Mais Garou est plutôt colère lorsque, au détour d'une chasse au caribou d'une mesure topographique, il la rencontre dans sa forêt. On apprendra bien vite, c'est pourquoi je vous épargne ce suspense, que c'est un peu parce qu'il l'aime encore au fond de lui, malgré les kilomètres qu'il a mis entre elle et lui et qu'il n'attendait qu'elle. Elle, c'est un peu pareil, mais comme le monde est stone, elle lui fait croire qu'elle va se marier avec l'avocat, pour le rendre jaloux, ce qui ne manque pas de surprendre au passage le vieil ermite local, visiblement le seul autre habitant de la région, avec lequel Garou passe des heures à philosopher en sous-titré dans le texte tout en péchant, et dont on pourrait avoir l'impression qu'il est tombé amoureux de Mademoiselle, qui est bien jolie et tellement rigolote quand elle lui fait une grimace car elle est une vraie Parisienne décomplexée (mais heureusement, ce n'est qu'une impression, car il le dit lui-même, il n'est plus qu'un vieil ermite, condamné à se satisfaire des animaux de la forêt comme seul lien social, en plus de Garou, donc, mais ne dit-on pas qu'il est un loup, Garou?).

Après la publicité, Garou et Mademoiselle se retrouvent sur un bateau, qui chavire en même temps que leurs cœurs quand ils s'embrassent. Le temps de dévoiler très partiellement le corps de Garou, qu'on voit finalement bien moins longtemps que les seins de Claire Keim sa petite amie, et de visiter un ou deux coins touristiques pour faire plaisir à l'office du tourisme, elle concède qu'elle est restée la même et qu'il vaut mieux qu'elle reste toute seule plutôt qu'avec un garçon comme Garou. Cette deuxième partie est malheureusement bien plus laborieuse que la première, car la dureté du propos n'est plus contrebalancée par la fabuleuse et magnifique Audrey Fleurot qui tombe sous le charme de l'avocat en une partie de Scrabble et le mot Orgasmes au pluriel (qui rapporte assez peu de points, moins que son Anonyme à elle, mais permet de poser toutes ses lettres d'un coup, ce qui fait donc 50 points!), ce qui n'est pas sans créer un léger quiproquo quand Garou découvre qu'ils couchent alors qu'il croyait fermement que l'avocat devait le remplacer dans le cœur de son ex, ce qui est d'ailleurs peut-être le tournant des sentiments de ce film.

Et bien sûr, revenue à Paris, Mademoiselle se met à pleurer en plein milieu d'une séance de dédicaces à cause d'une de ces jeunes qui vont dans les magasins pour lire les livres mais ne les achètent pas, qui lui lit à voix haute sans aucun tact, cette conne, le passage traitant justement de sa non-envie d'enfant, alors qu'elle venait presque à l'instant d'offrir tous ses Post-it™ à la fille de son décorateur d'intérieur auquel elle avait laissé son appart en son absence. Alors, ni une ni deux, elle revient au Québec (après une légère ellipse de son probable voyage en avion, à moins qu'elle n'ait choisi de voguer sous le vent pour aller plus vite), parce qu'elle a besoin d'amour, qu'elle veut être près de lui, qu'elle est prête et dès le générique de fin, les voilà en train de jouer avec deux enfants d'environ cinq/six ans, preuve que tout est bien qui finit bien et que même les bannis ont droit d'amour.

Commentaires

Anonyme a dit…
Comme toi, je ne devrais pas avoir à parler de ma soirée télé aujourd'hui pour plusieurs raisons, notamment le fait que je ne me rends pas à la machine à café parce que je ne bois pas de café, ou encore le fait que je n'ai pas de collègues assez sympathiques à qui parler de ma vie très privée.
Et de toute façon, je n'ai finalement regardé L'amour aller-retour que par bribes, ce qui m'empêche d'écrire un commentaire pertinent. En revanche, j'apprécie tout particulièrement ces allusions régulières, dans ton récit, à l'œuvre de Garou (et à celle de Lorie aussi, un peu). Et je pense qu'il aurait été très drôle d'inclure dans les dialogues du téléfilm quelques paroles - parlées - des chansons de Garou. Par exemple, en le cherchant dans la forêt alors qu'il faisait des mesures topographiques, la jeune femme aurait pu crier "Mais où, où te caches-tu? Où t'es-tu égaré?" Et lui de répondre "Je suis là, seul, celui qui n'a jamais été seul au moins une fois dans sa vie, peut-il seulement aimer, peut-il aimer jamais?" Avant d'ajouter, sobrement, "Belle, c'est un mot qu'on dirait inventé pour... toi".
Une telle version m'aurait certainement davantage conquis.
Pierre a dit…
Vu le côté navrant de l'ensemble, oui, un best of de Garou aurait été amusant. D'autant que Reviens (où te caches-tu?) est probablement ma chanson préférée de Garou. Même si je me suis rendu compte que, finalement, je n'en connaissais pas beaucoup plus.

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