Histoire secrète n°1 : Ma mère a gagné un concours de poésie

C'est l'été et ce soir, c'est aussi le retour de Secret Story qui tentera de faire oublier des candidats aussi fédérateurs que Xavier, Tatiana, les triplées ou Ophélie (petit jeu: sauras-tu deviner si un intrus s'est glissé dans cette liste?) et permettra à Benjamin Castaldi de repousser un peu plus les limites de sa médiocrité générale. Ce soir, ils seront douze, ou quinze, ou trente-cinq, à entrer dans la Maison des Secrets pour y cacher aux yeux des autres un terrible secret qu'ils avoueront ensuite à la face du monde entier. Quant à moi, à défaut de la gloire éphémère propre à tout candidat de télé-réalité (ou même, plus simplement, d'un single mal chanté mal mixé), j'ai décidé de jouer mon va-tout et de dévoiler mes petits secrets en vrac, contrairement à Priscilla qui, de toute façon, est trop fragile pour ce monde et se casse comme du verre.

Pour débuter ce déballage de mon intimité, je dois vous apprendre que ma mère a gagné un concours de poésie, ce dont vous pouviez vous douter depuis la lecture du titre,il y a déjà quelques lignes et un paragraphe entier. Ce secret sent déjà le remplissage, à peu près autant que si un candidat entrait dans la maison avec pour seul secret «Je me suis fait payer, une fois, pour accompagner une vieille dame à une soirée mondaine mais sans coucher à la fin» (que la production saurait toutefois enjoliver un peu, mais je ne suis pas la production), mais soyons réalistes, je ne suis pas un personnage de série télé et, au lieu de griller mes meilleures cartouches dès le premier prime, je dois repousser à un peu plus tard le moment de trop bavarder au point que vous sachiez tout, même les peaux de loup pour faire un lit très doux au fond d'un igloo, et que je sente monter tout à coup le rouge à mes joues.
Si quelqu'un a compris le dernier paragraphe et, surtout, la signification des figures de style utilisées, j'en profite pour relancer un appel lancé il y a trois ans qui n'avait pas su rencontrer son public: qu'est-ce que Priscilla pouvait bien vouloir dire dans Bric à brac?

Pour vous remercier, et aussi parce que je m'y suis engagé, il est plus que temps de revenir à ce concours de poésie. Pour cela, il faut remonter le temps, jusqu'en 1994/1995. Kurt Cobain est décédé dans mon indifférence générale personnelle et je suis en sixième. Le département organise un grand plan pour sensibiliser la jeunesse aux dangers du SIDA, cette maladie alors tellement médiatique qu'on se souvient encore du grand barnum télévisuel diffusé sur toutes les chaînes en même temps (et qu'on s'en souvient tellement bien que, d'un commun accord, personne ne regardera la même émission, en 1996). Les élèves de sixième, moi y compris, sont donc invités à écrire un poème sur ce thème aussi fédérateur que le destin brisé d'un enfant mort dans un camp de la mort nazi. Comme je suis un élève extrêmement scolaire, je considère que la consigne donnée par notre professeur principal d'histoire/géographie est un vrai devoir à faire. Seulement voilà, je n'ai pas d'idées et c'est ainsi que, la veille de la remise des poésies, je me plains, en pleurant, de mon manque d'idées à ma mère, qui me reproche aussitôt de ne pas en avoir parlé plus tôt, avant de coucher tout un poème en prose en environ cinq minutes, à propos d'un enfant de cinq ans contaminé par sa mère, youpi tralala.

Le lendemain, finalement, je découvre que quelques rebelles de la classe n'ont en fait rien écrit, puis, plus tard, qu'une fille s'est vue interdite de participation par son père, alors même que son poème avait été jugé de qualité par notre professeur... Moi, je ne veux surtout pas me faire remarquer, et je lis ce poème que j'ai bêtement recopié la veille au soir, en en changeant une ligne ou deux, pour me convaincre que je pouvais revendiquer cette œuvre. Seulement, il fallait que cette poésie, écrite par un adulte de quarante-cinq ans, écrase la concurrence... et remporte le premier prix du collège, à égalité avec Marvin. Le jour de la remise officielle des prix, quand mon nom a été prononcé, je ne faisais pas trop le fier et j'avais même déjà avoué cette faiblesse à deux camarades. J'allais être un peu puni en recevant des cadeaux franchement pas mal en réalité destinés à Marvin qui, lui, recevait des cadeaux plutôt pourris destinés à moi (que nous échangeâmes, naturellement), tandis qu'une brochure destinée aux établissements et à tous les élèves candidats devait constituer une preuve éternelle de mon forfait, dont j'ai encore un peu honte.
Même s'il n'est finalement pas impossible que je n'aie pas été le seul à être autant «aidé»...

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