Histoire secrète n°2 : Mon père m'a rendu service dans la vie

Vous l'aurez constaté depuis plus de trois ans, s'il m'arrive parfois d'évoquer ma mère, ma tante, ma sœur, mes grands-parents ou mon oncle, force est de constater que mon père est moins présent en ces pages. La raison en est simple: je n'en ai pas. On me fera remarquer que si, forcément, j'en ai un, parce que ma mère n'est pas l'Immaculée Conception du vingtième siècle -du moins pas à ma connaissance mais je ne suis jamais entré dans les détails..., mais non, vraiment, je n'ai pas de père. Pour en avoir un, il aurait fallu, par exemple, qu'il vienne me chercher pour aller passer un week-end sur deux chez lui, comme le fait celui de ma sœur. Ou alors qu'on aille au ciné tous les trois, avec ma mère, comme Elsa. Ou simplement, que je puisse en fournir une description élémentaire du genre «Mon père, c'est le plus fort!», ce qui m'est impossible.

Techniquement, pourtant, je sais bien que j'ai un père. Petit, je m'amusais même de son nom, dont on rencontre une foultitude de spécimens en Auvergne, mais qui bénéficiait d'un homonyme célèbre. Pensez comme c'est tentant de dire à ses copains de l'école primaire que son père s'appelle Patrick Sabatier! C'était parfois un peu laborieux, vu que je n'avais aucune preuve pour convaincre les plus dubitatifs qui ne faisaient pas confiance à l'argument «C'est ce que ma mère m'a dit, mais de toute façon, c'est pas le même qu'à la télé», mais après tout, je m'en fichais un peu, puisque tout ça restait très abstrait. Non, je n'avais pas vraiment de papa et parfois, c'était même plaisant, cette singularité du petit garçon dont le père est parti avant l'accouchement de la mère. De toute façon, en 1992, j'allais quand même au concert de Dorothée ou à EuroDisney avec le bientôt père de ma bientôt sœur, ce qui faisait un peu passer la pilule. Ça n'a pas duré longtemps, et tout s'est un peu compliqué, mais c'est une autre histoire.

Ce qui était assez curieux (le terme amusant ne va pas), c'était que, alors que je n'avais jamais vu mon père, et alors même que ma mère ne semblait pas non plus avoir de ses nouvelles directement, il lui est arrivé, au moins une fois, de se rendre chez mes grands-parents mystère qui n'ont pourtant pas vraiment été des beaux-parents, qui habitaient près du lieu de mon pèlerinage estival annuel. Moi, j'attendais dans la voiture, ça ne durait pas longtemps. Pourquoi voudrais-je les voir, moi, le petit garçon qui n'aime pas les inconnus? Ce n'étaient pas vraiment mes grands-parents, puisque je n'avais pas de papa. C'étaient peut-être, finalement, des connaissances sympathiques comme ma mère (ou ses frère et sœur) peut en avoir à foison, en tant que fille de fille du pays. À se retrouver chaque été en Auvergne, il y a naturellement des connexions qui se font et je n'ai jamais été très surpris que ma mère tape la discute avec des gens qu'elle pouvait croiser sur le parking d'un Lidl ou dans les allées du Shopi, voire sur le parking d'Intermarché...

Ce dernier cas s'est produit au moins une fois, durant l'été 1993. Nous retournions à la voiture, et je constatai juste, mais un peu tard, que la caissière avait oublié d'enlever l'antivol en plastique autour de ma cassette audio Bercy 93 du concert de Dorothée auquel j'avais assisté de très loin (le 173ème rang environ) en janvier, et dont je regrettais donc qu'il n'existe pas de cassette vidéo, sous prétexte que le concert était presque le même que celui de 92 (en oubliant pourtant ce ring et ses boxeurs descendant du ciel sur l'intro de Bats-toi). Ma mère reconnaît un inconnu, auquel elle me présente et qui se propose, avec son canif, de casser ledit antivol. Il y a réussi, aussi n'ai-je pas écouté la conversation précisément, subjugué que j'étais par cette cassette et pressé que j'étais de rentrer l'écouter avec un walkman, soulagé que je fus que la conversation soit brève.

«C'était ton père», m'a-t-elle dit, à peine la voiture démarrée, sans même attendre une question de ma part.
Je ne l'ai pas revu depuis.
Il est mort.
D'une crise cardiaque.

Mais je m'en fiche. De toute façon, je n'ai pas de père...

Commentaires

Jeanne ou Serge a dit…
Mince, j'étais passé à côté de ça...
Tu sais que tu peux être assez bouleversant quand tu livres tes secrets...
Tu as lu le livre "Quand j'avais 5 ans, je m'ai tué"? Des fois, tu me fais un peu penser à ce petit garçon...
Je ne sais pas bien si c'est un compliment (puisqu'il est à moitié autiste quand même!!!), mais je laisse ce commentaire quand même!
Anonyme a dit…
Alors voilà. Moi qui me suis enfin décidé à lire les milliers de billets en retard, ce qui ne veut pas forcément dire que je ne suis pas venu ici depuis le 4 juillet, mais un peu quand même, je suis confronté à un premier billet à commenter incommentable.
Le seul truc que je peux commenter, c'est que j'aime bien Patrick Sabatier, même si je préfère Nagui.

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