À l'Est, rien de nouveau
C'est pas tout ça mais, une semaine après le début de ce mois de mai, il est plus que temps d'arrêter de faire semblant. Après tout, tout le monde sait bien qui a gagné l'Eurovision 2020. Il n'y a jamais eu le moindre doute sur ce point. En même temps, il y avait absolument tout: une choré, un look notable, un refrain qui reste très très bien en tête. Et en plus, ils étaient connus. Du moins, officiellement, ils l'étaient (mais puisque je connais quelqu'un qui les connaissait sans s'être penché sur l'Eurovision, ça doit vouloir dire que c'est vrai). Non, vraiment, rien ne pouvait arrêter le sacre des Little Big, avec Uno.
Uno uno u-no
Dos
Cuatro
Les classements mensuels des vidéos les plus vues de la chaîne officielle plaçaient ce titre toujours plus haut, au point même d'en célébrer les 100 millions de vues avant le Concours. La gloire aura permis de doubler ce score pendant cette année, et l'on pouvait légitimement se poser LA question: après un tel plébiscite, les Little Big n'allaient-ils pas remettre leur titre en jeu dès cette année?
Le secret avait été bien gardé par la télévision russe. Personne ne savait, avant le soir de l'annonce, qui était en lice pour représenter la Russie lors du Concours 2021. Mais tout de même, qu'une chanson de Little Big de trois minutes soit annoncée juste le même jour, la coïncidence était trop grosse.
Tellement trop grosse, que les Little Big n'étaient pas dans la sélection 2021...
Et en même temps, leur SEX MACHINE, c'est vraiment pas Uno.
Oui, en même temps, c'est bien, de savoir s'arrêter sur une victoire (même si elle n'est jamais arrivée).
C'est autre chose, la Russie du monde d'après!
- Russie, 6 points: ça part un peu dans tous les sens. L'introduction ne laisse pas imaginer qu'on va avoir droit à un rap russe qu'on peut à peu près certainement qualifier de féministe. Et puis elle commence à parler russe avec ses choristes et voilà que, d'un coup, ça devient un chant traditionnel des Balkans. Et retour au départ. Je ne peux pas dire que je n'aime pas. Je ne peux pas dire que j'aime. Mais je ne peux pas dire que j'aime. Mais surtout, je suis curieux de voir comment ça sera présenté le soir S.
- Australie, 6 points: ça part un peu dans tous les sens (et pas que dans la palette technicolore qu'on retrouve sur la madame). Les couplets calmes, cette voix qui fait des vibes, le refrain... Je ne sais pas quoi retenir de l'ensemble. Je ne peux pas dire que je n'aime pas. Je ne peux pas dire que j'aime. Mais je ne peux pas dire que je n'aime pas.
- Chypre, 7 points: on peut dire que Chypre n'hésite pas à creuser encore et encore le même sillon depuis Fuego. La preuve que le titre est réussi, c'est qu'on chante les el di-a-blo
avec la dame. Mais dommage, la dernière minute est assez redondante. Il
y aura sûrement des feux d'artifice et des ventilateurs dans tous les
sens pour rendre ça épique, mais bon... Et en même temps, l'effet wow
est prévu au moment du refrain, quand on passe de ces très curieuses
voix d'enfants à ce refrain hyper-basique mais hyper-efficace sans
aucune espèce de transition. Quelque part, à Chypre aussi, ça part un peu dans tous les sens.
Commentaires
Pour Manizha, je suis un peu partagée, Russian woman à la première écoute était un peu une agression. Et même après en avoir pris un peu l’habitude, ce n’est pas la chanson que je vais aller chercher exprès. Mais une fois qu’elle est sur la playlist, je ne zappe pas. Oui ça part dans plusieurs directions, mais je trouve (et ce n’est que mon avis) que ça maintient une certaine cohérence quand même. J'aime bien les polyphonies slaves, en plus. Le message féministe a l’air un peu basique, et manque un peu d’universel puisqu’il s’adresse aux femmes russes uniquement. Mais je suppose que la société russe n’en est pas au même point que nous, niveau féminisme.
Surtout, j’ai une petite anecdote surprenante : je faisais écouter quelques titres de cette sélection à ma filleule, qui a 13 ans et des goûts musicaux pas vraiment alternatifs. Quand elle a entendu Russian womn, elle a dit « ça c’est bien, j’aime bien. » Je n’exclue pas que cette chanson trouve son public plus largement qu’on pourrait le prédire.
Australie. Alors oui, Montaigne a une technique vocale un peu particulière, et la structure de la chanson n’est pas évidente à la première écoute. Mais c’est une de mes préférées cette année. Le clip qui a l’air d’avoir été tourné dans sa chambre est un peu faiblard, et je pense que la prestation scénique devrait avoir un peu plus de punch. En attendant, je pense que « We got style and lasers » devrait devenir la devise officielle du Concours Eurovision.
Chypre. Alors, oui, on suit le filon de Fuego. (Du coup je me demande ce qu’il s’est passé l’an dernier ? Ils allaient envoyer un garçon, avec une chanson même pas suggestive ? Une erreur de parcours certainement.) On suit le filon de Fuego mais ça parle du diable ce qui énerve encore plus les conservateurs, en tentant le putassier sombre, pourquoi pas, avec une voix à la fois nasale et essoufflée, et avec des ruptures intempestives, et avec une fin un peu longuette après la montée en puissance… Il y a donc plein de points qui, individuellement, devraient être négatifs, mais la somme marche sur moi. J’aurais du mal à expliquer pourquoi j’aime. Mais j’aime.
Je suis quelques eurofans sur Twitter et l'un d'eux s'emballe chaque fois davantage devant Russian woman donc peut-être que ce choix alternatif est un bon choix. Je suis convaincu que ça n'est pas un mauvais choix (même si ça va peut-être finir par faire beaucoup de chansons féministes, mais est-ce que c'est grave?).
Pour le cas chypriote, peut-être qu'Ils savaient, qu'ils en ont profité pour envoyer un truc rien à voir parce qu'Ils savaient qu'il n'y aurait pas de concours. N'empêche, je suis retourné voir dans mes playlists et le mot-clé Chypre donne des résultats très différents, avant Fuego. Il y avait des chansons que j'aimais beaucoup, dans un style très différent (et d'autres très niaises ou dont le titre ne me dit plus rien). Et puis 2021, on revient à l'ADN chypriote des années 2018. Qui s'est diffusé absolument partout ailleurs, certes.
Et je n'ai absolument plus aucune idée (déjà) de à quoi ressemble la chanson de Montaigne, c'est triste.
Mon classement :
N°3 - Nataka a raison : si ça plaît à des jeunes, c'est que ça peut nous surprendre le soir venu. Ou alors la filleule de Nataka a des goûts alternatifs bizarres, et ça fausse nos pronostics. Il n'en demeure pas moins que je me suis senti agressé à l'écoute de cette chanson.
N°2 - Chypre : C'est pas mal, mais je vais vite l'oublier. Tout comme j'ai déjà oublié Fuego dont vous me rappelez l'existence à chaque fois que vous la citez.
N°1 - Australie : Le mélange des genres est intéressant. Les pré-refrains sont très bons, tout comme les refrains sont efficaces. Et au moins, on n'a aucun doute sur la capacité de la chanteuse à assurer vocalement.