Il a fallu 65 millions d'années (ou presque) pour que ce billet devienne possible...

Un lecteur anonyme -que nous appellerons Jean-Jacques par commodité- de Pont-l'Évêque cherchait récemment à «regarder Jurassic Park en film gratuit sans payer». Jean-Jacques, j'espère que, tel 4421000 téléspectateurs, tu as regardé M6 lundi dernier, car tu as été exaucé (et profites-en pour faire de même ce soir et lundi prochain pour les second et troisième volets). Néanmoins, Jean-Jacques, tu sais que tu pouvais te renseigner auprès de vraies gens, sans chercher sur internet, car il n'y a pas de honte à avoir de vouloir regarder Jurassic Park, au contraire! Je te comprends même très bien, parce que Jurassic Park est probablement mon film préféré de tous les temps -tu le saurais sans doute si tu lisais mon blogue un peu plus régulièrement...- mais je sais bien que ça ne suffit pas pour afficher fièrement tes préférences.

Il y a par contre une qualité cinématographique qu'on ne peut pas enlever à Jurassic Park: la qualité de ses effets spéciaux, qui ont révolutionné le genre. 15 ans plus tard, on ne pourrait pas faire mieux, ou si peu. Jurassic Park mélange habilement les techniques de marionnettes (réalisées de main de maître par Phil Tippett) et les techniques next-gen qui, depuis, n'ont absolument pas vieilli. En un sens, Jurassic Park a conduit au développement des films sans âme, parmi lesquels la deuxième trilogie Star Wars, par des réalisateurs peu inspirés qui ont cru qu'une masse d'effets numériques pouvait sauver du naufrage un film sans trop de scénario. C'est que, depuis Jurassic Park, tout a l'air tellement facile, que chaque nouvelle prouesse technique semble surtout découler des progrès de l'informatique et de sa maîtrise que du talent et de l'inventivité de cinéastes, de passionnés, celle qui fait pardonner au spectateur le côté cheap des combats contre les squelettes de Jason et les Argonautes ou de la destruction de l'Étoile Noire dans La Guerre des Étoiles (qui perd son charme en version remasterisée).

On pourra admettre qu'il y a, ça et là, quelques improbabilités scénaristiques. Par exemple, comment est vraiment construit l'enclos des T-Rex? Monsieur le dinosaure semble en sortir sans effort, pour se retrouver devant les voitures des voyageurs. Pourtant, quand il décide de s'attaquer à ces voitures, il pousse celle de Tim et Lex (sans Lex) vers son enclos... dans un précipice, au bas duquel on trouve des arbres et une réserve d'eau. On peut aussi douter de l'utilité par le Dr. Harris de se faire aider par une paléobotaniste pour soigner un tricératops, ce qui n'est pas tout à fait sa spécialité, si ce n'est pour éloigner le personnage du Dr. Sattler loin des autres et voler à leur secours plus tard...


Le fonctionnement du parc est lui-même assez étrange. Peut-on sérieusement imaginer que le milliardaire John Hammond participe en vrai à chaque représentation du petit film expliquant les secrets de l'ADN? Et quelle est l'utilité de dépenser autant d'argent dans les raptors, alors que leur enclos est absolument parfaitement opaque, et que, vu d'en haut, on ne distingue que les arbres? Pourquoi ne faire, par contre, qu'un seul T-Rex? Le manque de place n'est évidemment pas la raison, puisque les brachiosaures sont, eux, assez nombreux... On peut aussi se demander pourquoi le dilophosaurus est devenu venimeux pour les besoins du film, mais cela n'est qu'une des (nombreuses) théories (fumeuses?) avancées par le film. Rien ne dit, par exemple, que rester immobile devant un T-Rex soit effectivement une bonne méthode pour échapper au statut de dîner. Rien ne dit non plus, comme tient à l'affirmer le Professeur Grant (mais pas Tim), que les dinos ont tellement à voir avec les oiseaux, comme le prouve ce presque vol de galliminus...


Ils... Ils volent par ici!
Tim, face à une horde sauvage




Mais le film a d'autres qualités (c'est du Spielberg, quand même!), parmi lesquelles ses dialogues, particulièrement travaillés, qui s'adressent tantôt aux enfants, tantôt aux adultes. Pour eux, il y a l'insupportable Ian Malcolm, ses bafouillements, ses théories sur l'effet papillon, ses plans drague vaseux, ou le Pr. Grant qui aime autant les dinosaures qu'il déteste les enfants. Sans oublier le casting trois étoiles pas si évident pour un blockbuster: Richard Attenborough (absent des écrans depuis quinze ans!),
Laura Dern, une habituée de David Lynch, Jeff Goldblum de La Mouche ou Sam Neill qui, dans le même temps, était à l'affiche de La leçon de piano.

- Dieu crée les dinosaures,
Dieu détruit les dinosaures,
Dieu crée l'Homme,
L'Homme détruit Dieu,
L'Homme crée les dinosaures...
- Les dinosaures mangent l'homme,
La femme hérite de la Terre
Ian Malcolm et le Dr. Sattler, échangeant leur point de vue sur le chaos

Son film est ainsi construit sur le même canevas que Les Dents de la Mer. On ne voit rien, si ce n'est un mystérieux œil. Vingt minutes plus tard, on voit une inoffensive grosse bête, avec toute sa famille au loin, quand tout va encore pour le mieux... On assiste au massacre bruyant d'une vache et à des discours très défaitistes sur la viabilité du projet... Et puis tout dérape, les protagonistes affrontent un tyrannosaure, avant de se retrouver face à trois raptors particulièrement voraces, et particulièrement décidés, qui sont les vrais méchants contrairement à l'idée reçue (et la leçon du Dr. Grant en début de film est là pour nous l'apprendre). Un peu trop, même, au point que, si on se concentre sur les déplacements de chacun des raptors, on ne peut que considérer que cette dernière séquence particulièrement haletante tend quand même au grand n'importe quoi, pour lequel il faut accepter que les raptors sachent ouvrir les portes (admettons...) mais surtout qu'ils sachent les refermer, ou encore que ce T-Rex qu'on entend toujours arriver de loin peut se pointer totalement par surprise au moment opportun.


Mais en vrai, Jurassic Park est avant tout un film pour enfants, qui met en scène des enfants, dans un parc d'attractions (sauf que, à Disneyland, les pirates ne mangent pas les visiteurs...). Un garçon et une fille, pour que tout le monde s'y reconnaisse. Lex la "micromaniaque" et Tim le dégourdi. C'est à eux qu'il offre l'un de leurs premiers grands frissons, qui ne leur fera plus jamais regarder une flaque d'eau sans y chercher les preuves qu'un tyrannosaure arrive, ni même manger de la gelée (ou toute autre nourriture vaguement flasque, et un Flanby fait l'affaire) sans mimer la peur... Et qui leur donnera peut-être envie d'acheter une bonne part du merchandising vu dans le film.


Sur ce point, je sais de quoi je parle: Jurassic Park fut mon premier film de grand, en octobre 1993 (la date exacte m'est inconnue, je n'ai commencé à garder mes tickets de cinéma que deux films plus tard, après avoir vu Aladdin) et c'est possiblement une des raisons pour lesquelles j'ai collectionné les trading cards du film (qu'on m'a honteusement volées en grand nombre pendant une séance informatique en CM2, puisque j'en étais suffisamment fier pour les amener à l'école). Ça et l'exposé qu'on devait faire sur le film, pour lequel je me devais d'avoir 10 et qui faisait 24 pages dans sa première version (il est resté finalement inachevé autour de la soixantaine de pages, tandis que je n'ai eu que 8 à mon exposé suivant, sur le SIDA). J'ai été (gentiment) traumatisé par l'attaque de la voiture ou la scène de la cuisine (et aussi les infections de la langue du tricé, dont je suis persuadé d'être atteint dès que j'ai une légère douleur à la langue), que j'ai revécu encore et encore, un nombre impressionnant de mes vendredis de cinquième, quand je finissais à midi et que je regardais la cassette les rideaux tirés et le son à fond (avant de passer un temps à la trilogie de La Guerre des Étoiles).

N'oubliez pas de vous laver les mains avant de manger!
Ian Malcolm, donnant dans le conseil de santé publique
Avec les années, j'ai encore découvert d'autres choses de ce film (à commencer par ce que fait le Dr. Grant sur la photo précédente), compris combien c'est important d'attendre une heure avant que l'action ne démarre vraiment (mais quand même, heureusement que Jurassic Park III sait ne pas perdre son temps!), saisi le deuxième niveau de lecture et pourquoi Sam Neill est le meilleur personnage (et quelle bonne idée d'avoir choisi de nous donner de ses nouvelles dans Jurassic Park III!), mais aussi confirmé tout mon attachement à Ian Malcolm (et quelle bonne idée de l'avoir choisi dans Le Monde Perdu: Jurassic Park!) et surtout les enfants (et quelle frustration de ne les voir que trente secondes dans Le Monde Perdu: Jurassic Park). Plus encore que Lex, j'ai sans doute été toujours plus attaché au personnage de Tim, qui était un petit garçon que j'aurais bien aimé être.

Et puis, un jour, en cherchant des nouvelles de Arianna Richards et Joseph Mazzello, qui DOIVENT être les héros de JP4 (et qui ne doivent même pas coûter cher), je suis tombé sur une photo très étrange de ce dernier... Si je n'étais sans doute pas Tim, quinze ans plus tard, la différence est loin d'être flagrante... Et sachez que c'est particulièrement étrange de tomber sur une photo de quelqu'un d'autre qui pourrait être une photo de vous...

Commentaires

Anonyme a dit…
Effectivement, cette photo est troublante...
Je suis désolé de ne pas commenter tout ce que tu as écrit avant la photo. Non pas que je n'estime pas Jurassic Park autant que toi (euh... non, en fait), mais parce que la publication de cette photo me fait réagir davantage que ce qui la précède.
Je trouve qu'en version agrandie, elle perd de son caractère troublant. Mais je peux me tromper.
Jeanne ou Serge a dit…
Un petit air de ressemblance effectivement avec les dinosaures!!!!
Mais tu es bien plus beau gosse que ça quand même!
Pierre a dit…
Romain, elle perd de son caractère troublant parce que tu ne m'as vu qu'avec des cheveux courts. Mais en vrai, avec la coiffure négligée que j'ai ces temps-ci et pas rasé de trois jours... Ma mère et ma soeur m'ont d'ailleurs confirmé cette impression (mais sinon, je prends quand même le compliment, JoS!)

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