Yes, he can!

En real good Américain, Lucky Luke ne peut pas ne pas s'être passionné pour la campagne présidentielle historique qui vient d'avoir lieu outre-Atlantique. Du moins, il l'aurait forcément suivie s'il n'avait pas vécu au 19ème siècle. Du coup, c'est dans la campagne de Rutherford Hayes qu'il s'investit. Luke est plutôt réticent à montrer ses engagements politiques, mais «Ruthie» pourrait bien être l'homme du changement, s'il accédait à la Maison-Blanche, lui qui veut la réunification du pays, la fin de l'esclavagisme, des lois indiennes moins injustes... Mais, pour mettre fin à des années de scandales politiques et de corruption, il faudrait déjà empêcher Perry Camby, un obscur descendant de magnat du pétrole texan (à l'existence historique plus incertaine), de lui voler son statut de candidat officiel républicain.

La politique américaine, un éternel recommencement

Quoi qu'en dise la couverture (moche) de L'homme de Washington, le terrible complot de ce mystérieux politicien qui en rappelle un autre un peu plus actuel n'est pas le centre de l'histoire. Il s'agit ici plutôt d'un road-movie, d'un long voyage en train de 44 planches pour relier Washington à Austin, en passant par le Kentucky et ses poulets, Memphis et sa musique à tous les coins de rue, mais aussi une fête de la bière, une révolte d'ouvriers chinois et quelques Indiens, tant d'électeurs potentiels à convaincre! La recherche de la taupe infiltrée dans la team de Hayes passe largement au second plan, pour être finalement expédiée sur les trois dernières pages (celles mises en avant par la couverture -moche-, donc) et expliquée le temps d'une seule case de la toute dernière planche! Cette précipitation à clore l'album pourrait être assez gênante, mais elle donne aussi l'impression que le voyage qui précède a été mené tellement tambour battant qu'on aurait pu encore en rajouter...

Une taupe se cache dans cette demi-planche...

Car, pour l'ensemble, Laurent Gerra tient parfaitement bien son scénario. Il glisse ici un vrai cours d'histoire américaine (un fait rare dans l'histoire de Lucky Luke), pointe là les viles techniques politiciennes et, surtout, distille un humour efficace tout au long de l'album. Là où La corde au cou était un peu inégale, L'homme de Washington tient bien son rythme et Laurent Gerra fait preuve d'un humour tous publics. Il n'est pas foncièrement original (mais l'intrigue l'est-elle?) et peut-être moins incisif que celui de Goscinny... Il est en tout cas certainement moins fin, mais ses efforts sont plus que louables, à placer des blagues incongrues (allez donc caser le mur de Berlin dans un western), à évoquer discrètement les conditions de travail des Chinois, ou à citer toutes ses idoles (ou pas), de Jack Lantyer à Britney Schpires, via les Beatles, Michael Jackson ou Les Mystères de l'Ouest, sans jamais paraître passéiste! Quant à Achdé, son dessin s'éloigne sensiblement de celui de Morris pour devenir un peu plus personnel. Ses caricatures ne sont toujours pas des plus réussies et il va falloir un peu s'habituer à la nouvelle tête de Lucky Luke, mais impossible de remettre en cause son talent, par exemple pour les plans cinématographiques.
Avec L'homme de Washington, Les aventures de Lucky Luke d'après Morris s'apparentent de plus en plus comme l'une des meilleures reprises du monde de la bédé, l'une des plus intelligentes, et une série de qualité.

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