Opération Eurovision [Teil fünf]

Voilà ce qui arrive quand on écrit sur un même thème quatre années de suite (et en laissant ce blogue honteusement prendre la poussière entretemps): je ne suis absolument pas certain de n'avoir jamais évoqué ce que je m'apprête à écrire. Il faut dire que les faits remontent à 1978. En ces temps troublés, le monde va mal, la menace d'une troisième guerre mondiale est encore partout dans les esprits et, tandis que l'URSS et les États-Unis ne se lancent finalement aucune bombe l'un sur l'autre, le Proche-Orient se déchire. Mais heureusement, l'Eurovision était déjà là! C'étaient alors les années fastes de la France: Catherine Ferri en était resté à la deuxième place en 1976 avec 1, 2, 3, mais l'année précédente, faut-il le rappeler, Marie Myriam avait apporté une cinquième victoire, la dernière avant longtemps mais un exploit alors inégalé. En direct de Paris, son successeur, Joël Prévost aura fatalement fait moins bien, sans pour autant démériter, finissant sur le podium avec l'inoubliable Il y aura toujours des violons. Et l'air de rien, il permettrait à la France de décrocher un nouveau record, puisque, pour la troisième année consécutive, tous les autres pays participants avaient donné des points à la chanson française... Une autre époque!

Ces considérations chauvines nous éloignent du sujet, revenons-y.
Le Proche-Orient se déchire mais l'Eurovision était déjà là, disais-je. Dans ce contexte, la victoire de la Belgique, un pays historiquement neutre, allait permettre d'apaiser la situation, permettant à tous les téléspectateurs d'oublier, le temps d'une soirée de gala, cette tension terrible en entonnant gaiement L'amour ça fait chanter la vie de Jean Vallée. C'est, du moins, ce qui s'est passé en Jordanie, le lendemain, malgré un fâcheux problème technique qui avait malencontreusement empêché la diffusion de la fin de la cérémonie (ainsi que dans d'autres pays dans la même région). Dommage, car, dans d'autres circonstances, les téléspectateurs du coin auraient pu assister à la première victoire d'Israël, avec la chanson A-Ba-Ni-Bi.
Les satellites ne tombent jamais en panne quand il faut...

Depuis, Israël a regagné deux fois: dès l'année suivante, puis en 1998, avec la première candidate transsexuelle de l'histoire du concours... ce qui nous ramène à 2014. Le monde a changé, les tensions sont toujours là mais depuis tellement longtemps qu'on finit par les oublier, le règlement de l'Eurovision impose aux pays qui souhaitent diffuser le concours de le diffuser dans son intégralité absolue... mais malgré cela, certaines voix s'élèvent à l'est pour suggérer un plan fixe neutre pendant que le reste de l'Europe assisterait à la prestation autrichienne, histoire de ne pas choquer le public avec un travesti barbu.
Une autre époque!

Conchita Wurst - Rise like a phoenix (Autriche) 

Mei Finegold - Same heart (Israël) 

Axel Hirsoux - Mother (Belgique)

Teo - Cheesecake (Biélorussie) 

Les points du jour, sans désespérer, il en reste encore quatorze derrière...
  • Belgique, 3 points: je ne m'attendais pas à ce que ce monsieur ait cette voix-là, qui est, il faut bien l'avouer, jolie. Pas spécialement mon truc, mais jolie. Quant à la chanson, qui a l'avantage d'être chantée lentement et avec un accompagnement musical sobre, j'ai pu en comprendre l'essentiel des paroles et, certes, le message est magnifique à pleurer, mais c'est quand même gentiment chiant.
  •  Biélorussie, 5 points: de l'utilisation inattendue et improbable de l'accordéon... Entre le chanteur à bouc, ce vague rap dans la façon de chanter, ces couleurs, que d'éléments qui laissent penser que la Biélorussie vit en 1999, ou peut-être en 2001 (sauf cette citation de Dirty Dancing qui nous place plutôt en 2010). C'est très ringard, mais en vrai, je ne déteste pas et j'aime même assez la dernière minute.
  • Autriche, 6 points: je suis perplexe quant au message délivré par ce clip. Il y a absolument tout de la ballade classique, de la mélodie avec ses envolées à la robe à paillettes (en mettant un bémol pour la coiffure, tout de même). Mais c'est un homme avec une voix d'homme et une fausse barbe qui chante. Mais c'est hyper premier degré. Du coup, la réunion de tous ces éléments ne me semble pas apporter quoi que ce soit à la chanson. Elle est jolie, c'est l'essentiel.
  • Israël, 7 points: je ne m'attendais pas à ce que cette dame ait cette voix-là. Ni même à ce que cette chanson évolue comme elle le fait. J'aime énormément le début, les mots prononcés très vite pour rentrer dans la mesure... jusqu'à ce petit pont hyper dance qui vient comme un cheveu sur la soupe. Puis on passe en hébreu, avec toutes les réserves que j'ai quant à la musicalité de cette langue. Puis ça vire carrément dance assumée sur la fin, avec choré et notes tenues. C'est un peu bizarre, mais globalement, je crois que j'aime quand même bien/beaucoup.

Commentaires

Nataka a dit…
Ca fait 5 années consécutives que tu écris sur l’Eurovision, Pierre. Au moins sur le présent blog, pour avant je ne me rappelle plus, et de toute façon je ne suivais pas l’Eurovision. Alors il est possible que tu ais déjà parlé de ça, surtout que Dana International est revenue à l’Eurovision récemment. Mais en même temps, je ne crois pas, en tout cas je ne m’en rappelle pas. Et si personne ne s’en rappelle, c’est pas bien grave de se répéter.
Pour les voix de l’est et du moyen-est et de plus loin qui s’élèvent, je vais paraphraser (et je m’en veux un peu, mais ça me parait approprié) Nicolas S. en disant « l’Eurovision, tu l’aimes ou tu la quittes » parce que zut, c’est un moment de communion international (et de compétition, oui, aussi, si on a l’esprit étroit) et qu’on joue le jeu jusqu’au bout ou pas du tout. Et qu'on n'a pas besoin d'eux de toute façon, que c’était mieux avant, quand il y avait 9 pays dans la compétition au lieu de 37, parce que du coup la France avait 1 chance sur 9 de gagner, ce qui clairement est mieux que 1 chance sur 37 quand on est chauvin, même si du coup y avait moins de découvertes, moins de langues étranges mais néanmoins agréables (sauf cette années du coup), moins de genres musicaux, moins d’audace… Ouais non, en fait, c’était pas mieux avant, mais l’Eurovision c’est démocratique, personne n’est obligé de regarder la télé.

Biélorussie : Oh dear, il y a donc vraiment des gens qui prennent Robin Thicke comme source d’inspiration. Ma foi, quand on chante une chanson qui s’appelle Cheesecake, on assume sans doute, au moins en partie, le côté ringard de tout le truc. Je ne dénigrerai jamais une référence à Dirty Dancing, et dans l’ensemble la chanson est bon enfant, ça ne fait pas d’étincelles mais c’est plutôt entrainant. Triangle, maracas, le tout m’est sympathique. J’ai arrêté de compter les accordéons.

Israël : Je suis un peu partagée, d’un côté je me dis que ça a beau être rythmé c’est quand même un peu monotone, et je n’aime pas ces passages où elle chante plus vite pour faire passer absolument sept syllabes dans une mesure à quatre temps. De l’autre, je sens assez qu’à la longue ça passera bien dans la compil.

Belgique : Allo maman, bobo ? Axel a une belle voix et beaucoup de talent, mais une chanson de ce genre, en ce qui me concerne, ne fonctionne que si elle est chantée par un ténor ou un baryton joli à regarder, de préférence en letton, hongrois ou islandais. Sinon non. Pas de pleurnichards, merci.

Autriche : Conchita a une voix pas désagréable et beaucoup de talent, mais une chanson de ce genre, en ce qui me concerne, ne fonctionne que si elle est chantée par un ténor ou un baryton joli à regarder, de préférence en letton, hongrois ou islandais. Sinon non.
Blague à part. l’Autriche a décidé de se faire remarquer cette année, mais faire venir une femme à barbe qui est barbue depuis plus longtemps qu’elle n’est femme, pour chanter une chanson sur un phénix, me parait un procédé peu subtil, d’autant qu’elle a été tellement médiatisée que l’effet de surprise au soir de la demi-finale sera complètement éventé. Ça reste mieux que d’envoyer une chorale néo-nazie (Nataka, amie des clichés depuis 1989), mais quand même : le vrai pas en avant, ce sera quand on enverra des chanteurs transexuels, non parce qu’ils sont transexuels mais pare qu’ils sont chanteurs, que leur chanson parlera de leur pays, de l’Europe, de la paix dans le monde, d’amour, de rupture, de tempêtes ou d’accordéons, mais pas de leur histoire personnelle, et qu’on ne fera pas un dossier de presse complet sur leur suivi médical. (Ceci étant une critique à l’égard du comité autrichien de l’Eurovision, et non de Conchita ; pas sûre qu’ils aient tous les mêmes motivations).
Pierre a dit…
Rho mais oui, ça fait cinq ans... Mondieumondieumondieu...

Je trouvais le clip biélorusse tellement ringard que je n'ai pas parlé de Robin Thicke mais tu l'as vu aussi, donc. C'est vraiment une idée bizarre, ce truc.
Pour Conchita: je suis effectivement perplexe parce que, en dehors de l'effet de surprise, il n'y a aucun intérêt à ce que ce soit lui/elle qui chante cette chanson, mais on le sait depuis des mois (et ça a marché: on a parlé de l'Autriche pour ça). Après, qu'une chanson parle de son interprète, pourquoi pas, ça change, mais comme tu le soulignes, ce n'est probablement pas la motivation de la délégation autrichienne (et de toute façon, quel est le symbole envoyé par un homme qui ne se travestit que sur scène? en quoi est-ce vraiment exceptionnel, alors que des gens font ça dans les cabarets depuis des décennies?).
Nataka a dit…
Ah c'est seulement sur scène ? Ah bon, je pensais que c'était un transsexuel. Faut dire qu'en dehors des gros titres, je n'ai rien lu, par principe, ce genre de polémique organisée m'horripile au plus au point. Mais pourquoi une "fausse" barbe,alors ?

Bon, sinon, je me dois de le souligner, contrairement à toi je n'ai aucun doute sur la musicalité de l'hébreu.
Pierre a dit…
Je trouvais que, dans le clip, sa barbe faisait plus maquillage que barbe. Et c'est aussi le cas sur certaines photos que j'ai pu voir. Mais je me suis assez peu penché sur le sujet. J'ai juste lu l'article Wikipédia, qui dit qu'il a deux personnalités: homme dans la vraie vie, femme sur scène.
Nataka a dit…
Ouaip. Et ben je crois qu'on va clore là cette conversation qui me parait fichtrement inutile, et j'essaierai de faire abstraction de tout ce cirque et d'évaluer la prestation objectivement.

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