Un onze septembre

Après une journée à me promener dans la ville pour aller d'un collège à l'autre puis à l'un, à m'énerver déjà contre une classe peu encline au travail ou à parler/crier plus fort que les perceuses pour être entendu par mes élèves, le tout en ayant très peu et mal dormi la nuit précédente, je n'avais qu'une envie: végéter devant Koh-Lanta et la Star Academy Secret Story présenté par Nikos. Mon programme de nolife habituel, en quelque sorte. Sauf que mon 11 septembre 2009 était déjà réservé et qu'il me faudrait même prendre le métro sans m'endormir! Pour me motiver, je pouvais éventuellement penser à ma destination, mais force est de constater que, dans de telles conditions, l'exaltation que j'avais pu ressentir il y a un an et demi -le 29 avril 2008, si le cachet de la Poste fait foi- en recevant mon billet pour le Grand Concert de Mylène Farmer au Stade de France, bloc Y, rang 6, place 9, s'était un tout petit peu atténué.


Et, après une heure et demie dans le métro, à faire plus ample connaissance avec la rampe au milieu de ma rame au point d'entamer déjà des relations presque intimes et à deviner qui dans la rame descendrait à Saint-Denis-Porte de Paris (finalement, quasiment tout le monde), une demi-heure à faire un tour du Stade de France à slalomer entre une cinquantaine de revendeurs de billets pour trouver éventuellement un endroit où les boissons ne coûteraient pas 3€ la canette avant d'enfin atterrir au Quick qui se serait trouvé finalement très proche de mon point de départ si j'avais choisi de contourner l'ellipse par l'autre côté (ce qui n'est juste pas de chance), quelques minutes à choisir le stand où ne pas acheter un sex-toy Sextonik à 100€ avec mon programme et mon porte-clés tête de mort un poil cher, je n'étais pas tellement plus extatique, seul sur mon siège blanc, dans le froid de septembre, avec face à moi la scène partiellement cachée par une tonnelle (une buvette?) dans la fosse et l'écran géant traversé par les haut-parleurs. J'enviais surtout mon voisin direct de droite, situé une quinzaine de sièges plus loin à ma droite, au point qu'il est devenu un vrai proche voisin quand la première partie a finalement commencé, quand toute la partie droite du bloc a effectué une translation-éclair pour obtenir une vue plus dégagée sur la scène.
Enfin, juste pour le principe, hein. Parce que la scène, quand on est dans le bloc Y, elle est à peu près à deux kilomètres, alors pour voir quoique ce soit des danseurs africains (bah oui, c'est adapté, comme première partie d'un concert de Mylène Farmer!), on regarde surtout les écrans.


Et puis, ensuite, pendant une demi-heure, la foule se chauffe un peu, les olas vont et viennent, un remix de Sextonik réveille le stade avant que l'ambiance retombe très nettement pendant les vingt minutes de la BO de The Dark Knight qui précèdent un long générique diffusé sur l'écran géant, qui fait qu'on est quand même content quand, enfin, commence Paradis inanimé, même sur une fausse note, l'une des seules de la soirée. Le titre se finit, la lumière s'éteint, la lumière se rallume, sans un bonjour mais sur une chorégraphie élaborée de L'Âme-Stram-Gram... Et ça, une choré sur L'Âme-Stram-Gram, c'est cool! Quand on voit quelque chose, parce que, curieusement, l'écran ultra-géant au centre de la scène reste mystérieusement éteint. Et il le sera à d'autres moments stratégiques, quand il ne diffusera pas des vidéos certes très esthétiques mais surtout frustrantes quand on doit se contenter des deux écrans sur les côtés, qui sont certes grands, mais pas autant... Et puis vient Je m'ennuie qui n'aide pas à faire monter l'ambiance dans le stade de France, puis Appelle mon numéro, où enfin, mes oreilles s'étaient habituées au volume et où je commençais à m'entendre chanter et à entendre mes voisins chanter «Appelle mon numéro» quand il fallait le chanter, sans plus, sans que, de toute façon, la dame au milieu loin là-bas ne montre la moindre envie de faire monter la sauce... Visiblement, dans un concert de Mylène Farmer, l'ambiance doit monter d'elle-même.


Et puis, soudain, il y a XXL et les gens debout qui applaudissent à tout rompre. À défaut d'avoir la vraie impression d'être à un concert, on est un peu comme une grosse bande de potes qui regardent un dévédé en chantant California et Pourvu qu'elles soient douces... Et comme Mylène réalise qu'elle est loin, elle décide de se rapprocher, après un Point de suture joli mais sans intérêt, arrivé là comme un cheveu sur la soupe, sans aucun lien avec les autres ballades qui suivent, pour lesquelles elle s'avance jusqu'au milieu de la fosse (ce qui n'est plus qu'à un kilomètre des gradins en face). Et répond à ma question depuis toujours: est-ce que, en vrai aussi, c'est grotesque quand elle pleure?


La réponse est oui, probablement, si on n'est pas vraiment fan de Mylène Farmer, qu'on ne connaît pas Nous souviendrons-nous, qu'on aimerait bien, déjà, que ça rebouge au lieu de subir Rêver qu'elle fait reprendre quinze fois sans réussir à pleurer, Laisse le vent emporter tout pendant le pont duquel tous les portables de la fosse ont capté en même temps puis Ainsi soit-je... et l'interminable instrumental de Avant que l'ombre... pendant lequel elle remonte vers la scène principale en pleurant encore un peu. Mais moi, à ma propre surprise, j'ai aimé ce Rêver, et plus encore ce Ainsi soit-je... chanté par les gradins qu'on entendait clairement sur le seul piano d'Yvan Cassar. Comme je n'étais plus à une surprise près, plus tard, j'ai même beuglé les «Fuck them all» de Fuck them all, histoire qu'il y ait de l'ambiance, sans réviser mon jugement sur cette chanson de merde. Auparavant, il y a eu un fabuleux Libertine pour lequel j'aurais dû me lever, finalement, au lieu de simplement briser les tympans de mon voisin dont j'ai bien l'impression qu'il a trouvé (très logiquement) que je chantais faux, puis un Sans contrefaçon, son «caméléon» repris par la foule et son souci technique et le stress que ça implique: Jésus j'ai peur... le concert ne va pas s'arrêter là, hein? elle va aller dans les coulisses et tout réparer pour finir, hein?
Ouf, pour l'instant, elle continue de danser sans musique, sans que le public s'accorde sur ce qu'il faudrait chanter (c'est le problème des bugs en plein pont) et en tombant, en plus, just for fun. Le son revient, sa voix enregistrée aussi, elle s'excuse en riant et on recommence, on ne va pas pleurer sur Sans contrefaçon! Suivent L'instant X, bien mais pas phénoménal et, donc, Fuck them all. Les lumières s'éteignent et les lasers verts se rallument, comme à Bercy en 92 (pour le concert de Dorothée) avant que ne résonne Dégénération, malheureusement dans sa version longue et un peu trop de son pour espérer distinguer éventuellement les «han han han hanhan» du public...


Tout est bientôt fini, Mymyl sort sa méga-chorégraphie de bras sur C'est dans l'air, 80000 personnes répondent «C'est laid» en bougeant les bras ou en tapant des mains et elle fait semblant de s'en aller et de ne pas revenir. Mais, tandis que des gens commencent à partir pour immédiatement revenir, commence la vraie dernière chanson, et le concert se conclue en apothéose sur Désenchantée. D'abord avec une deuxième coupure de son au début du premier refrain, dont la fin est célébrée par de merveilleuses fausses notes. Ensuite par des serpentins jetés en masse dans la fosse et sur la «caméra volante ». Enfin, par la reprise en musique, puis sans, puis avec, puis sans du refrain, encore et encore, avec une ambiance du tonnerre et une joie visible sur son visage qui laissent espérer que, pourquoi pas, même après avoir dit au revoir, elle pourrait faire la méga-surprise de revenir, quitte à déroger à toutes ses habitudes, mais bon, on ne fait pas le Stade de France tous les quatre matins.


Mais non. Comme prévu, elle ne revient pas. On nous conseille de rentrer en RER D ou sur la ligne 13 et 80000 personnes sortent du Stade en même temps...
Et moi, j'ai trouvé ça génial, au point que j'en ai encore mal aux mains...

Commentaires

Rhum Raisin a dit…
C'est drôle comme la dernière phrase ne colle pas avec le reste. Mais tant mieux après tout. Tu réponds un peu à une question que je me pose régulièrement : est-ce qu'il y a vraiment de l'ambiance au fond d'une salle de concert. Peut-être qu'au fond de la salle d'un concert de Mylène Farmer, il y a de l'ambiance (ou au moins des grands gens qui chantent faux). Mais qu'en est-il de l'ambiance au fond de la salle d'un concert de Michel Sardou ou de Maxime le Forestier?...
Pierre a dit…
Je me demande surtout si, dès le premier rang, il y a de l'ambiance à un concert de Maxime Le Forestier.

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