La meilleure façon de marcher

Avant, j'étais jeune, j'étais coincé de partout et complexé par tout: mes bras, mon torse, mes poils, mes oreilles, mon poids, et même ma façon de marcher. Vraiment, la liste n'est pas exhaustive.
Aujourd'hui, je suis vieux et, non, ça ne va pas mieux sur tous les points mais je me suis rendu à l'évidence: oui, je marche bizarrement. Il faut d'abord y voir le symbole de l'échec de toute une éducation, car, malgré toutes ses remarques durant mon enfance (et plus encore mon adolescence, parce que c'est là que tout a commencé à se gâter), le haut de mon corps fait invariablement un début de S. Ah, je pourrais en imposer avec mon mètre quatre-ving-sept et une carrure qui me placerait au-dessus de pas mal de gens ou, au moins, mes élèves de sixième sauf un. Mais non, si je n'y prends garde, mon corps dégage une impression de mollesse dans sa partie supérieure.
La partie inférieure, elle, a toujours su qu'elle mesurait un mètre quatre-vingt-sept et a fait de grands pas en conséquence. Comme pour s'excuser d'être là, elle les a aussi toujours faits rapidement. C'est sans doute pour ça que les messages de ma mère n'ont plus marché à partir d'un certain âge: elle n'arrivait plus à me suivre. Puisqu'on en est à tout se dire, je suis même de ces gens très agaçants qui, parfois, coupent la route des autres piétons sur le trottoir (mais je vous assure, je sais exactement ce que fais, faut juste me faire confiance et ne pas décider de changer de direction ni d'allure pendant mes manœuvres); pour ça, je vous prie de m'excuser.
À vrai dire, tout ça n'aurait rien de vraiment très particulier si on n'ajoutait pas un dernier élément, le plus important je crois: je marche avec mes bras. Qui eux-mêmes ne savent jamais bien comment me suivre. Ils aiment marcher vite et rythmer le mouvement. Mais ils sont aussi rattachés à mon buste, celui-là même qui a décidé de ne plus jamais être tonique, aussi ces bras se balancent-ils plus que de raison, d'avant en arrière mais aussi un peu de gauche à droite, comme une représentation corporelle du chaos. Ce qui a pour résultat de donner l'impression que je sautille, que je gambade, tout guilleret, même simplement lorsque je traverse le collège pour aller de ma salle de cours à la salle des professeurs. D'autant plus qu'il m'arrive de prendre un peu mon temps auquel cas, vous l'aurez compris, mes jambes non plus ne se tiennent plus vraiment droites. Ah, combien de fois mes collègues du bout du couloir ont-ils commenté, si pas moqué!, ma silhouette arrivant dans l'ombre depuis l'autre bout du collège!
Mais eux ne savent pourtant pas l'horrible vérité: le pire est encore ailleurs.
Depuis mon déménagement, le collège est beaucoup plus loin qu'avant (ou mon appartement, si vous préférez). Pour accompagner ma grosse vingtaine de minutes de marche du matin et du soir, j'ai commis un acte aux répercussions qui semblent irréversibles: désormais, j'ai de la musique qui passe dans mes oreilles. Parfois de la musique dynamique. Qui me fait marcher en rythme, mais encore plus vite, pour faire métronome avec mes pas. Ou, surtout, qui suggère à mes bras qui ont vraiment beaucoup de temps libre, de battre la mesure, de faire de la batterie, voire quelques mouvements plus indescriptibles mais qui font joli quand il n'y a personne dans la rue à 7h17 du matin.
Mais il n'est pas toujours 7h17. Des fois, il est 15h13 et cette personne qui avançait à l'autre bout du trottoir est en fait un ancien élève d'il y a près de dix ans qui, en passant à côté, déclare avec un grand sourire:  
Oh, Monsieur, à vous voir marcher comme ça, de loin, on dirait vraiment que vous êtes un homme heureux.
Alors si un jour, vous voyez un type marcher en ayant l'air ravi de la crèche, venez donc me saluer!

Nadav Guedj - Elle m'rend fou (2016)

En 2015, Nadav Guedj créait une nouvelle dynamique pour Israël: après des années de disette, le pays obtiendra peut-être cette année une troisième qualification consécutive en finale.
Après une année à éponger ses dettes, la Roumanie remet ses compteurs à zéro mais espère reprendre ses bonnes habitudes de qualification systématique (avec un titre à haut potentiel à faire parler sur les internets pour fêter ça). La Macédoine, quant à elle, restera sûrement plus prudente quant à ses attentes, au vu de ses résultats habituels... De toute façon, quand on voit les résultats du Royaume-Uni, à quoi ça sert de vouloir à tout prix aller en finale?

Lucie Jones - Never Give Up On You (Royaume-Uni)

Artsvik - Fly With Me (Arménie)

IMRI - I Feel Alive (Israël)

Ilinca ft. Alex Florea - Yodel It! (Roumanie)

Jana Burčeska - Dance Alone (Macédoine)

La voilà enfin, cette chanson qui fait tant le buzz!
  • Royaume-Uni, 2 points: Déjà, c'est curieux d'aller chercher Emmelie De Forest, que tout le monde a oubliée, pour écrire une chanson. Mais surtout pour cette chanson. C'est mou, vraiment, tout le temps.
  • Arménie, 5 points: Ce début de clip fait vraiment flipper mais, une fois qu'on a des danseurs, du rouge et du jaune, j'aime beaucoup (vraiment beaucoup!) la musique proposée. Mais je trouve que la dame ne va pas bien avec et au final, je suis frustré par l'ensemble. Ça aurait pu être vraiment plus péchu, ou à l'inverse vraiment très sombre, mais ça n'est ni l'un ni l'autre.
  • Israël, 5 points: Israël renoue avec la stratégie du bogosse, qui marche toujours bien. Je ne suis pas physiquement emballé par ce modèle-là, mais j'aime bien le refrain (qui met tout de même un peu trop de temps à arriver) et, en plus, il esquisse un début de choré. Je doute que ça puisse être vraiment un tube de l'été, mais au moins, ça fait dodeliner. Et playbacker sur les I feel aliiiiiiiiive.
  • Macédoine, 5 points: Le ton est donné tout de suite, on a de la vraie dance. Je ne sais pas si elle pourra me faire vraiment danser tout seul dans mon salon sur le long terme, mais là, j'aime assez, je fais les clap clap de bonne grâce. Sauf que, sans les effets sur la voix en live, j'ai un gros doute sur ce que rendra la chanson.
  • Roumanie, 5 points: Hmmm... il faudrait essayer de savoir comment les Roumains se sont dit qu'ils allaient mélanger du rap et du yodle. L'effet de curiosité rend le début sympathique, il faudra voir si ce final grandiloquent sera suffisamment fort en live pour faire effectivement se lever les foules.

Commentaires

Nataka a dit…
C’est dommage, 1m87 mal exploité, mais si tu peux te balader en donnant aux gens l’impression que tu es heureux, c’est bien.
Je crois que moi, quand les gens me voient arriver, ils ont plutôt l’impression que je vais les baffer.

C’est rigolo, dis donc, est-ce que beaucoup de candidats de l’eurovision tentent une carrière internationale en passant par le français ?

Royaume-Uni : Un beau jour, ils vont brexiter de l’eurovision aussi, ça commence à se voir qu’ils n’en ont rien à foutre. Alors bon, la chanson est jolie, sûrement, elle vient s’ajouter à la liste de celles qui se laissent écouter sans franc déplaisir mais qui ne laissent pas de trace.
Arménie : Je pense que sur le long terme je laisserai sa chance à cette chanson, parce que les chœurs qui font iyiyiyi me plaisent bien, et que ça parait un peu différent du reste de la sélection (« parait » seulement, sans doute, mais quand même), ceci dit le début de la chanson promet une scénographie molle du genou, ça ne commence à envoyer du beat qu’à 2m30. La fin est bien, pour une fois l’interruption brutale est justifiée, mais ça aura perdu trop de monde en route.
Israël : Bon alors en fait, le comité eurovision israélien fonctionne comme une banale administration, où on est promu à l’ancienneté, c’est ça ? Je suppose que je me laisse prendre à cette chanson, au bout d’un moment, même si une analyse à froid me fait dire qu’au fond quand même c’est assez banal. Mais ça bouge.
Roumanie : Pardon d’avance, hein, pardon, mais cette chanson va sûrement être MA, ou au moins une de MES (y a l’Italie aussi), chanson de l’année. A la première écoute j’ai pensé, oh chouette, du yodel, ça va être marrant. Depuis je peux l’écouter en boucle sans jamais me lasser. Elle est complètement efficace, pour ce qui concerne mon cerveau : les deux jeunes gens sont charmants, ont de jolies voix qui se marient bien, ainsi que leurs styles, ce que raconte la chanson me parle. Je sais que c’est un duo créé pour l’occasion, qu’ils jouent sur le kitsch au moins dans une certaine mesure, qu’il y a plein d’effets très artificiels très bien ingénierés, mais j’adhère à fond les ballons.
Macédoine : Je m’identifie tout à fait à la meuf qui danse seule dans son salon en body et manteau de moumoute, après avoir fait la vaisselle. Y a tellement de vécu dans ce clip… J’attends aussi de voir ce que donnera en vrai la voix électronique au début, mais c’est un effet que j’aime bien. Là aussi les refrains donnent envie de bouger, mais probablement pas de bouger jusqu’à mon téléphone pour envoyer des points.
Pierre a dit…
Non mais quand je ne marche pas, je sais à peu près me tenir droit. Mais je pense que c'est de là que vient cette impression que je suis petit (car je ne l'ai pas dit, mais j'aurais pu ajouter ma taille à la liste du début). Mais j'essaye de faire des efforts, juré (et puis, si je propage une idée de bonheur à la place, ma foi...).

Carrière internationale, c'est peut-être un peu excessif, encore, concernant Nadav. Pour le coup, étant donné qu'il est français (ou à moitié Français, j'ai la flemme de vérifier là maintenant), c'est finalement assez normal, comme choix.

Tu as tout à fait raison pour la banalité d'Israël. Je trouve même que ça ne bouge pas tant que ça, mais par comparaison, oui, si, ça bouge. Quant à la Roumanie, le clip est vraiment profitable à la chanson, par rapport à la vidéo des sélections, mais sache que tu n'es pas seule. Depuis les répétitions, la Roumanie est largement remontée sérieusement chez les bookmakers (et quand je me serai auto-matraqué de yodel d'ici une semaine, il est possible que je lui attribue plus que 5 points...).
Nataka a dit…
Le clip de la Roumanie est pas mal classe, avec le yodel qui fait péter le béton. Forcément ça déchire moins sur scène, mais ça se tient bien quand même.
Rhum Raisin a dit…
Je pense que si tu as l'impression d'avoir le haut du corps mollasson, c'est à cause des épaules. Il faudrait pouvoir réussir à muscler les épaules, et ainsi tonifier la carrure. Non pas que je veuille te donner un complexe supplémentaire, mais la forme des épaules peut peut-être modifier ta silhouette et ta démarche guillerette.
Cela dit, il vaut mieux donner l'impression qu'on est heureux en marchant, ou même l'impression qu'on va baffer les gens, plutôt que de passer inaperçu et se sentir terriblement invisible.
Mon classement du jour :
N°5 - Royaume-Uni : Je suis d'accord avec Pierre, c'est mou et chiant du début à la fin. Et cette voix aiguë et monotone devient pénible dès la deuxième dizaine de secondes de la chanson. Rendez-nous Blue et Bonnie Tyler !
N°4 - Arménie : Le point commun avec la chanson du Royaume-Uni, c'est que c'est aussi mou et aussi chiant. Mais là, au moins, il y a une chorégraphie.
N°3 - Israël : Comme Nataka, je trouve ce titre banal, et même presque bof. Et comme Pierre, je trouve que le refrain (décevant au demeurant) arrive trop tard.
N°2 - Macédoine : On a clairement envie de danser et de se défouler en écoutant cette chanson. C'est pas mal et assez moderne.
N°1 - Roumanie : Une fois mon excitation de savoir qu'un pays proposait du yodle passée, je dois dire que je suis davantage adepte du yodle pur que du iodle marié à du rap. Mais il faut bien admettre que les refrains sont assez jouissifs. On s'imagine à la montagne, avec des vaches, du lait et de l'herbe verte. Je pense que la Roumanie a toute ses chances pour gagner cette année.
Nataka a dit…
Wééé ! Roumanie ! Roumanie !
Il n'y a aucune raison que tu passes plus inaperçu que nous, Rhum. C'est certainement juste une impression.
Pierre a dit…
Oh, tiens, Nataka, puisque tu parles de RR, je me demande s'il va venir nous rejoindre cette année...
Rhum Raisin a dit…
Ho hé ho, le guilleret, ça suffit !
Nataka a dit…
Mouhahahaha !
É, a dit…
Je forme l’hypothèse que le monde manque de gens qui ont l’air heureux de loin

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