Encore un tour

Si ce soir, tu me demandes comment ça va ça va ça va ça va sur ma planète, j'te répondrai ça va ça va ça va comme ci comme ça. Récemment encore, je pleurais. Ah!, oui, voilà, on n'a pas parlé depuis des mois, si pas des années, alors maintenant qu'on est lancé, plus rien ne m'arrête. J'te préviens, ça risque d'être un peu confus: c'est parce qu'on n'a pas l'habitude de parler de ça ici, même jadis.
C'est que nous sommes aujourd'hui le 1er mai et, comme chaque 1er mai, je me rappelle que ma première manifestation, c'était un 1er mai. Dix jours avant, je venais de voter pour la première fois de ma vie et c'était clairement ce que j'attendais le plus de ma majorité. Depuis, j'ai tout de même eu l'occasion d'entrer en boîte de nuit deux fois ou de conduire une voiture sur des routes de campagne désertes, mais, non, vraiment, voter, c'est le mieux. J'ai voté Olivier Besancenot. Ce soir-là, les jours d'après, on a dit que c'était une des raisons qui avaient fait passer Jean-Marie Le Pen au second tour. Mais on a dit beaucoup de choses, ces jours-là, tellement cette situation était inimaginable. Je crois bien (même si les souvenirs de mes pensées d'il y a quinze ans commencent à être un peu flous) que, ce 1er mai 2002, j'allais manifester un peu parce que je ne savais pas ce qu'il fallait faire. Parce que, peut-être, oui, c'était un peu ma faute et que j'avais voté pour de mauvaises raisons. Mais aussi, sûrement, parce que tout le monde manifestait.
Finalement, je n'ai évidemment jamais retrouvé les camarades de classe que je devais retrouver (une preuve de plus que j'étais vraiment naïf il y a quinze ans - était-ce raisonnable de me confier déjà le droit de vote?!). Je n'ai pas davantage passé la journée dans le cortège, suivant cette camarade de classe croisée par hasard dans le métro (ah, décidément, une belle indépendance d'esprit que voilà!). Mais j'ai été manifester et c'est avec la plus grande conviction que je votais Jacques Chirac au deuxième tour.
Depuis, je suis retourné à République. Du moins sur une des rues menant à la place, tant il y avait de monde réuni, là, en janvier 2015. Les circonstances étaient autrement plus dramatiques, bien sûr, qu'un simple second tour d'élection, mais le moment annonçait aussi, d'une certaine manière, un nouvel espoir. C'était fort, mais si fragile. Les circonstances tendent à prouver qu'un 21 avril ne fait plus le poids face à un 7 janvier et un 13 novembre, qu'il est destiné à s'effacer. On le répète partout, il ne faut pas s'habituer à la peur, il faut vivre comme avant, mais évidemment que ça n'est pas facile. Évidemment que, quelque part, il est normal que les idées de Marine Le Pen puissent trouver un certain écho chez certaines personnes. Ça, j'ai fini par m'y habituer. Je ne le comprends pas, parce qu'il suffit de se pencher un instant sur son discours pour en voir toutes les incohérences, les mêmes depuis toujours, les mêmes qu'en 2002, mais je m'y habitue.
Seulement, dimanche dernier, à 20h, son visage est apparu à la télévision. Sur TF1, il est même apparu à gauche de l'écran, comme si c'était elle qui avait remporté le plus de suffrages. À cet instant précis, peu m'importait l'élimination du candidat pour lequel j'avais voté, elle était là. Avec quel score! Et, sous le prétexte que les sondages le disaient depuis des mois, ça semblait presque normal. Les candidats déçus ont fait quelques discours forts, mais que valent des appels aux votes de candidats déçus? Son adversaire, lui, faisait un discours beaucoup trop content, presque déjà victorieux et surtout sans prendre le temps d'être consterné, dépité, désolé de devoir affronter le Front National. Sans vraiment faire l'effort de chercher à rassembler depuis. Alors personne ne se rassemble.
On calcule combien d'abstentionnistes il faut pour que Marine Le Pen puisse être élue. On fait apparaître tous les défauts du programme d'Emmanuel Macron qui semblaient inexistants il y a encore deux semaines. On n'est même pas foutu d'organiser UNE manifestation anti-Le Pen sans être en désaccord... À quel point la France, la société, ont-elles changé en quinze ans pour que quelque chose d'absolument inenvisageable finisse par devenir une vague possibilité qu'il faudrait tout de même éviter... C'est là, moi, que je commence à vivre dans la peur.

Mais faisons comme si on oubliait ça, allez...

Michał Szpak - Rosanna (2016)

Il ne faut pas toujours prendre pour argent comptant ce que les sondages jugent inéluctable.
En 2016, on ne donnait pas cher de la Pologne et, après les votes des jurys, Michał Szpak pointait effectivement à une piteuse avant-dernière place... C'était sans compter sur l'inattendue et extraordinaire troisième place donnée par le public, qui plaçait finalement la Pologne 8e au classement final. Cette année semble moins favorable, mais la Pologne espère bien poursuivre sur sa lancée des qualifications en finale (un sans faute depuis 2014), tout comme la Géorgie et la Lettonie, qui semble enfin avoir trouvé le truc après de longues années de disette. Mais nous sommes encore bien bas dans les classements des bookmakers, et peut-être que nous assisterons plutôt à l'une des rares éliminations serbes aux portes de la finale. L'Ukraine n'a jamais eu ce problème, à part quand elle était envahie par la Russie, et ça n'arrivera pas cette année, puisque l'Ukraine a gagné l'an dernier (et méritait bien d'éliminer la Russie pour fêter ça, non?).

Tamara Gachechiladze - Keep The Faith (Géorgie)

Tijana Bogićević - In Too Deep (Serbie)

O.Torvald - Time (Ukraine)

Triana Park - Line (Lettonie)

Kasia Moś - Flashlight (Pologne)

Hé bien, hé bien, hé bien...
  • Ukraine, 1 point: C'est bien, ces pays qui osent encore le rock sombre et sale à l'Eurovision. Là, on sent quand même que l'Ukraine veut surtout sauver ses finances publiques en faisant vraiment tout pour ne pas gagner, même sur un malentendu.
  • Serbie, 2 points: J'ai cru à un truc un peu enlevé et pop, avec le début de la chanson, et même cette montée pré-refrain piquée à Katy Perry. Mais non, en fait, c'est mou et long.
  • Géorgie, 3 points: C'est un peu le clip de la République tchèque avec les gens en slip remplacés par des gens qui ont très mauvaise mine. Au premier abord, ça s'écoute bien-sans-plus puis les chœurs arrivent et j'aime bien. Mais déjà, il ne reste que trente secondes, la dame donne tout et ça tend à faire un peu trop de bruit. Au moins, ça rend cette fin brutale très efficace.
  • Pologne, 3 points: Après ce début qui annonçait une ballade insipide, le refrain beaucoup plus froid est une bonne surprise et l'ensemble a un côté sombre qui me plait plutôt. Mais quelle idée de finir par des vocalises sur un fond symphonique...
  • Lettonie, 4 points: J'aime beaucoup le clip, j'aime beaucoup la voix trafiquée du refrain, même si je ne comprends pas ce que la dame dit. Dommage que ça manque d'évolution et, en particulier, d'avoir tant négligé la fin (vu qu'il n'y a pas de fin).

Commentaires

Nataka a dit…
Je pleure avec toi, allez. C’est fou, non, qu’on soit si nombreux à se sentir seuls (et impuissants et indécis et désespérés). Mais bon, on va sûrement avoir encore un sursis, et peut-être même qu’on essaiera d’en faire quelque chose d’utile, qui sait ? Ne laissons pas le 7 Mai endeuiller le 9, le 11 et surtout le 13.
Surtout que je me sens capable d’aimer Michał Szpak un peu.
Et pas de Russie pour foirer les classements cette année !

Géorgie : C’est terriblement tragique d’un bout à l’autre, et pourtant ça porte un message d’espoir, c’est curieux. Ça commence trop fort, je m’ennuie trop vite.

Serbie : Je trouve ça classique mais un peu efficace. Dans le genre calibré, certes, mais au moins j’aime bien le son rythmique dans l’intro et le pont.

Ukraine : Clairement c’est pas mon genre musical de prédilection, surtout que c’est plus bruyant que musical, et ça se voit tellement qu’ils font semblant de jouer ! Mais pour les feux d’artifices, la mise en scène avec le compte à rebours, et pour la diversité, pourquoi pas ?

Lettonie : j’aime assez le clip, et par conséquent j’imagine que la réussite de cette chanson sur scène dépendra de la mise en scène, parce que sinon c’est de l’électro avec une chanteuse à la voix terriblement nasale, pas mauvais mais rien de transcendant.

Pologne : J’aime bien les multiples ruptures dans cette chanson, elle a le potentiel de choper et de retenir jusqu’au bout, mais en effet une petite reprise du refrain après les vocalises ça aurait fait une fin plus propre.
Pierre a dit…
J'ai un peu de mal à croire, là encore, que quelque chose d'utile sortira de ce 7 mai, même si je veux croire, en revanche, que oui, il y aura encore un sursis cette fois-là. Si jamais ça ne devait pas être le cas, je pense que je me jetterai corps et âme dans l'Eurovision pour oublier, quitte à y perdre ma santé mentale!
Nataka a dit…
Moi de toute façon je me jette dans l'Eurovision corps et âme tous les ans. Je ne sais pas si c'est bon pour la santé mentale, en effet. Le manque est terrible le dimanche matin suivant. Mais l'an dernier ça m'a permis de temporiser un début de burn-out pendant trois jours, alors c'est toujours ça de pris.
Pierre a dit…
Trois jours de délai, c'est quand même assez peu, finalement. Pas plutôt trois semaines et trois jours: en comptant le pré-Eurovision, ça ferait déjà beaucoup plus efficace?
Nataka a dit…
Non parce que la première crise a eu lieu le soir de la deuxième demi-finale.
Enfin, j'imagine que ça couvait depuis longtemps, quelque part je temporisais depuis beaucoup plus longtemps que trois jours, en fait. Y a juste eu ce timing pourri qui a failli me gâcher ma semaine préférée de l'année. Mais bon, après j'ai eu des grandes vacances pour la première fois en 15 ans, pour me remettre.
Rhum Raisin a dit…
Espérons que les cinq ans qui arrivent apaiseront les gens pour qu'en 2022, ces idées-là n'accèdent pas au second tour.
Ne pleurons plus ! Restons optimistes ! Caressons des chats ! Et faisons la vaisselle pour évacuer l'eau croupie !
Mon classement du jour :
N°5 - Ukraine : Ennui profond. En revanche, ce compte à rebours, c'est une première, non ?
N°4 - Serbie : Les deux premières notes du refrain rappellent Katy Perry, en effet. Bizarrement, là, les ruptures de rythme entre couplet et refrain sont insignifiantes. Et le résultat est... chiant.
N°3 - Pologne : Les sonorités mystiques sont intéressantes. Mais on s'ennuie doucement.
N°2 - Lettonie : C'est fou comme on se laisse emporter loin en écoutant une chanson un peu électro et un clip envoûtant. Au final, c'est correct, mais, comme l'écrit Nataka, on attend de voir ce que donnera la mise en scène.
N°1 - Géorgie : Je ne sais pas ce que j'ai en ce moment. J'adore cette tragédie, cette grandiloquence, ce too-much. Je suis d'accord avec Pierre sur l'arrivée des choeurs : ils sont parfaits ! J'ai un premier coup de coeur pour cette chanson.
Nataka a dit…
J'aime cette phrase "Ne pleurons plus ! Restons optimistes ! Caressons des chats ! Et faisons la vaisselle pour évacuer l'eau croupie !" Je m'en ferais bien un t-shirt.
J'ai comme un doute sur le compte à rebours, on n'a pas déjà eu ça ? Je me rappelle d'un sablier géant dans le clip de la chanson biélorusse en 2015, mais il faudrait regarder les mises en scène de toutes les chansons intitulées "time".
Pierre a dit…
Je précise que je fais la vaisselle, hein, des fois. Là, le jour où ce chat est venu, c'était un moment où j'étais vraiment très très occupé, mais depuis, j'ai fait la vaisselle. Deux fois, même!

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