La machination Lazarev

Maintenant que l'Eurovision 2019 est totalement lancée (ou lancé?), il est temps de s'intéresser aux favoris. Les vrais favoris, hein! Pas le Portugal, qui émoustille deux pelés et trois tondus pour se faire bêtement éliminer dès sa demi-finale. Non non, les favoris qui sont destinés à remporter le concours. Pas tous à la fois, parce que la règle ne le permet pas, mais ça devra arriver au moins à l'un d'entre eux.
Cette année, de toute façon, c'était facile de trouver le favori des favoris: ça ne pouvait être que Sergey Lazarev! Le public l'avait classé premier, il y a trois ans, avec You are the only one. C'était bien normal, cette chanson est parfaite. Pourtant, les jurys n'avaient pas été aussi emballés et lui avaient préféré l'australienne Sound of silence. Et même J'ai cherché d'Amir. C'est bien simple, Sergey Lazarev n'avait pas su faire mieux que cinquième. En combinant les classements, il avait donc finalement échoué à la deuxième place, juste derrière, c'est cocasse, l'Ennemi Intime, l'Ukraine, avec, c'est encore plus cocasse, la chanson 1944 au message à peine anti-Poutine. Dans l'euphorie de ce rebondissement incroyable, Sergey était même humilié, conspué, hué, pour tout ce que son pays représentait. Mais bon, il était quand même le préféré du public et, honnêtement, personne n'a jamais réécouté 1944 parce que voilà, et personne ne le fera plus jamais, désolé Jamala, alors Sergey ne pouvait que revenir et être destiné à gagner. Un Dima Bilan des temps modernes, en quelque sorte.

Seulement voilà, la menace est partout et, au fil des sélections nationales, l'engouement est apparu ici ou là. Parfois c'est un feu de paille, mais parfois les gens s'emballent. C'était certain, le Concours Eurovision tenait son vainqueur tout désigné: Siren Song de MARUV... la chanson qui venait de remporter la sélection nationale de, vous le voyez venir gros comme un camion... l'Ukraine!

 MARUV - Siren Song (Ukraine - 2019)

Non, Sergey ne pouvait pas laisser passer ça. Pas une deuxième fois.
On veut bien payer pour toutes les invasions ou les privations de liberté de son pays une fois, mais faut pas déconner non plus! Alors de sombres machinations ont eu lieu en coulisse. Sergey Lazarev a rencontré sa rivale d'hier Jamala. Ils sont liés à jamais par cette soirée de mai 2016 et elle sait bien qu'elle ne serait rien sans lui, qu'elle lui doit une partie de sa victoire. Voilà ainsi les ennemis qui s'allient et, profitant de son statut de jurée dans le Destination Eurovision local, elle demande à MARUV son opinion sur la Crimée, sur la pertinence de faire des concerts en Russie. Le ver est dans la pomme, les grandes manœuvres de déstabilisation sont engagées. Dans la foulée, certes, Siren Song remporte le concours (et, donc, presque aussi le Concours Eurovision).
Dans la deuxième foulée, MARUV dénonce le contrat qu'on lui demande de signer et renonce à gagner l'Eurovision en refusant d'y participer. Et voilà, en deux jours, l'affaire est pliée, Sergey Lazarev peut remporter l'Eurovision tranquillou bilou.
Tout ça pour que, finalement, les bookmakers s'affolent sur la chanson des Pays-Bas, désignée Grande Favorite indétrônable, même devant ce pauvre Sergey...

Sergey Lazarev - Scream (Russie)

Jonida Maliqi - Ktheju tokës (Albanie)

KEiiNO - Spirit In The Sky (Norvège)

Duncan Laurence - Arcade (Pays-Bas)

Tamara Todevska - Proud (Macédoine du Nord)

Chingiz - Truth (Azerbaïdjan)

La deuxième demi-finale se finira donc par une avalanche de favoris, la Russie, les Pays-Bas et l'Azerbaïdjan, qui a longtemps complété le podium des bookmakers.
  • Albanie, 2 points: la voix est jolie, la mélodie du refrain aussi, mais ça ne va pas beaucoup plus loin. Ça finit même par être un peu long, mais le clip a fini de me perdre, et mon intérêt avec, pendant la dernière minute.
  • Macédoine du Nord, 4 points: mon anglais de chansons approximatif me laisse penser, malgré tout, que le propos de cette chanson est proche de notre chanson. Dans une version ballade très classique, avec une dame qui chante avec du cœur et un violon en fond. La mise en scène va être déterminante pour savoir si ça penche du côté des beaux moments ou juste des moments qu'on oublie dès la chanson finie. Là, c'est propre mais ça m'emballe modérément.
  • Azerbaïdjan, 5 points: c'est efficace, ça fait un peu danser et dire shut up about it avec lui, mais sans m'emballer totalement. La dernière minute est de trop, à répéter la même chose que ce qui précède sans rien de plus.
  • Pays-Bas, 6 points: il faut bien un point de plus que l'Azerbaïdjan, parce que bon, lui, il est carrément tout nu, l'effort doit être récompensé. C'est joliment chanté, la mélodie du tout début marche immédiatement. Après, ça ne m'emporte pas autant que ce que j'attendais d'un Méga-Favori, mais déjà, je finis la chanson sans m'être ennuyé.
  • Norvège, 7 points: c'est rigolo, ce trio, on dirait qu'ils ont décidé de chanter chacun leur chanson côte à côte. Les deux premiers se retrouvent facilement dans les années 90 (je préfère la mélodie du monsieur et les refrains, mais sans détester la partie de madame seule), mais le trip tribal du troisième est un peu plus inattendu (dans la chanson, pas à l'Eurovision). Au final, ça part dans tous les sens et on met même des perruques avec des cheveux en oreilles de chat, mais j'aime bien.
  • Russie, 7 points: en fan absolu de You are the only one, j'attendais le retour de Sergey avec joie. C'est une ballade, alors je suis moins conquis, mais hé, pourtant, ça marche bien. Ce Screaaaaaaaam tenu, le côté épique du refrain et, plus encore, le dernier refrain épiquissime. Y a pas à dire, c'est du bon boulot. Ça respire pas davantage l'authenticité que la dernière fois, mais peu importe.

Commentaires

Nataka a dit…
Russie : Je confirme que j’ai plus réécouté (et avec plus de plaisir) You are the only one que 1944, qui n’avait su que m’émouvoir un moment mais jamais n’avait obtenu l’approbation de mes oreilles. Et puis, si sur scène You are the only one était sans doute un peu trop figé, ça envoyait quand même sacrément du steak, et je n’ai aucune raison de penser par ailleurs qu’elle était le moins du monde pro-Poutine, même si, c’est vrai, plein de gens en Russie ont l’air de penser que Poutine is the only one.
A priori cette Siren Song ne me manquera pas cette année, là comme ça je n’accroche pas, je veux bien tenter d’insister un peu, je te redirai ça en fin de semaine, mais ce n’est pas une gagnante pour moi, et malheureusement notre Sergio non plus car Scream n’est pas tout à fait You are the only one. Elle est très bien, efficace comme il faut, possiblement plus subtile (un peu) et moins encline à envoyer des gros effets dans la gueule (à peine), et j’ai par ailleurs plaisir à réentendre Sergey qui a une voix agréable et du métier, mais reste que pour moi cette chanson n’est pas la plus emballante du concours. Mais, on pourrait avoir une surprise. La ligne mélodique est entêtante, on aura peut-être des dragons sur scène et ça c’est populaire en ce moment, et je me dis qu’il doit avoir un certain capital sympathie, et les cojones de revenir après s’être fait huer injustement la dernière fois (mais les gens qui viennent au concours en Israël ne vont pas huer la Russie de toute façon, lol).

Albanie : S’il se passe quelque chose de vraiment spectaculaire sur scène, peut-être ? Y a un potentiel pour ça. Mais sinon le côté hypnotique et entêtant de la chanson la rend en fait un peu longue.

Norvège : Cette chanson est très efficace et j’adhère totalement. Elle me rappelle beaucoup Monsters, la chanson finlandaise de l’an dernier, que j’aimais beaucoup aussi, donc à part ce léger soupçon de copiage (pardon, d’inspiration), j’aime.

Pays-Bas : C’est insidieux, parce que ça commence joliment mais doucement et je n’y croyais pas plus que ça, et le temps que la fin de la chanson arrive, je suis en train de chanter "loving you is a losing game" et la mélodie est complètement ancrée dans ma tête. Les ohohoh font un peu Imagine Dragons / The Lumineers, c’est presque actuel.

Macédoine du Nord : Hey, un nouveau pays ! (n’abandonnez pas le combat les gars, un jour vous aurez le droit de vous appeler Macédoine-tout-court). Alors le message oui, mais la chanson, bah… Sur ce thème, on est en 2019 quand même, zut, le message des mamans aujourd’hui ça devrait plutôt être carrément "envoie les tous se faire foutre, marre à la fin !"

Azerbaïdjan : Mais tout le monde est allé tourner ses clips à la piscine, alors ? Bon alors c’est un peu molasson par rapport au style, je trouve. Autant ça fait partie des chansons de cette année que j’écoute sans déplaisir, autant c’est sans plus.
RR a dit…
J’écrirais que l’Eurovision est lancéE, puisque le mot est ici utilisé sans le mot concours, mais ce n’est qu’un ressenti.
Cette histoire russo-ukrainienne est assez palpitante, mais au final, je n’aime pas « Siren Song », donc elle ne me manquera pas.

Mon classement du jour :
Nº6 : Russie - J’ai dit que je n’aimais pas « Siren Song », mais la façon dont tu racontes cette histoire me fait prendre Sergey en grippe. Je le mets donc dernier de mon classement du jour, comme une disqualification morale.
Nº5 : Albanie - Je suis d’accord avec vous sur l’effet de longueur que donne cette chanson. Il y a un côté envoûtant, certes, mais tellement envoûtant qu’on s’endort.
Nº4 : Norvège - Ça commence mal, avec ce début de chanson dark vu et revu. Et puis ça décolle, me donnant même l’impression de regarder un clip d’Aqua avec une chanteuse principale, un chanteur chauve, et un autre chanteur qui est là on ne sait pas trop pourquoi.
Nº3 : Azerbaïdjan - Le rythme est entraînant, mais rien de très novateur dans cette chanson qui s’écoute, et éventuellement se danse.
Nº2 : Pays-Bas - C’est fou, tous les clips sont hyper sombres. Nataka a raison : à la fin de la chanson on se surprend à chantonner le refrain. C’est joli, esthétique, propre. De là à être un indétrônable favori, je dis non.
Nº1 : Macédoine du Nord : Le côté épuré de l’orchestration a eu raison de moi. Cette voix qui monte en puissance, juste accompagnée d’instruments à cordes, est assez convaincante.
Nataka a dit…
C'est vrai qu'elle est vachement bien cette théorie du complot. C'est rafraîchissant par rapport à la terre plate et aux pyramides aliens.
Pierre a dit…
Vous dites ça parce que j'ai mis le clip de Siren Song. Vous auriez vu la prestation en finale nationale, c'était... À côté, l'Islande, c'étaient des petits joueurs. Il y avait des laisses!

Nataka, je me demande si le boycott pour Israël a vraiment été suivi. Si les gens n'ont pas été à l'Eurovision, c'est surtout parce que l'organisation s'est gavée sur les prix (j'ai lu un article du Parisien qui disait que la finale venait seulement d'être complète et que les tarifs étaient jusqu'à 17 fois plus chers que l'an dernier). Du coup, il peut y avoir des gens pour huer la Russie. Et Israël ne va pas les en empêcher, ça détournera l'attention d'eux.
Pierre a dit…
Ah, oui, je voulais dire que, comme RR, les Norvégiens m'ont fait penser à Aqua. Même musicalement, en fait, d'ailleurs, ça pourrait le faire.
Nataka a dit…
Non, manifestement le boycott n'a pas été suivi, ce qui parait évident quand même : à partir du moment ou un pays participe, il est admis implicitement qu'il peut gagner et donc être le prochain pays hôte.
Et ils ne sont pas nombreux les pays qui n'ont AUCUN sujet de controverse et qu'on ne pourrait pas appeler à boycotter. On s'est démerdé avec la Russie et l'Ukraine, on a été en Azerbaïdjan il y a quelques années... Alors ouais, l'apartheid c'est puant, mais ce n'est pas un concours de qui fait pire politiquement, c'est un concours de chansons.
Et au final je ne suis pas certaine du tout que d'accueillir l'Eurovision change beaucoup l'image qu'un régime a sur la scène internationale.

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