Make Luxembourg Great Again

Ainsi donc, le miracle finlandais n'a pas eu lieu: le Cha Cha Cha de Käärijä n'a pas su effacer la victoire promise au Tattoo de Loreen. Et pourtant, le public dans la salle à Liverpool était absolument euphorique à son apparition et pour les quelques 12 points décrochés auprès des jurys. Trop rares face à la palanquée de 12 points pour la Suède, classée première dans quinze pays... mais jamais dans aucun télévote! Là, c'est la Finlande qui a fait la razzia des 12 points, dans pas moins de dix-huit pays (près de 50% des participants!)... mais la Suède n'était jamais loin derrière. Et puisque la Suède avait presque le double de points de son dauphin après les votes des jurys (et que ce dauphin n'était pas du tout la Finlande, seulement 4e), ce qui devait arriver arriva: le premier dans le cœur du public ne devait pas remporter le trophée à la fin. Le public n'a pas été fâché longtemps, Loreen est quand même largement saluée par les points du télévote (deuxième, certes avec plus de cent points de moins).

Et puis, ce n'est pas vraiment comme si c'était la première fois que ça arrive. Depuis la mise en place des points séparés en 2016, il n'y a qu'un seul vainqueur qui a fait l'unanimité: Salvador Sobral en 2017. Peut-on pour autant dire que c'est mon vainqueur préféré de cette période? 

ABSOLUMENT PAS.

En 2016, Sergey Lazarev avait fini premier pour la Russie, mais les votes des jurys lui avaient été fatal, eux qui ne l'avaient classé que cinquième. Et c'est Jamala qui avait fini par gagner (deuxième du public... et aussi deuxième du jury!). En 2019, Spirit in the sky de KEiiNO avait dominé son télévote, mais les jurys l'avait boudé au point de ne lui accorder qu'une triste dix-huitième place, et c'est Duncan Laurence qui l'avait finalement emporté (deuxième du télévote... et troisième du jury!). On sent poindre un point commun à mes yeux entre tous ces gens qui gagnent sans avoir gagné le télévote (indice: je n'aime pas leurs chansons). Finalement, Loreen est au moins première d'un des classements, elle!

Et les autres années, la balance était inversée, mais il y avait encore un désaccord. En 2018, Netta renverse le classement alors qu'elle n'était que troisième chez les jurys. Presque idem en 2021: Zitti e buoni n'était que quatrième du classement du jury avant de remporter le télévote et le concours itou. Et faut-il encore évoquer le cas de l'Ukraine, l'année dernière, elle aussi quatrième des jurys avant d'amasser un record absolu de points au télévote et finir loin, si loin devant toute l'Europe?

Hier, si c'était peut-être plus frustrant, c'est que, malgré le suspense proposé par la production (toujours efficace, même dans une situation qui semble désespérée!), on se souvenait bien que le score de la Finlande était très nettement supérieur à celui de la Suède. Ou alors c'est juste l'agacement d'avoir vu une telle suprématie pendant le vote des jurys autour de Loreen. L'envie de voir l'outsider réussir à gripper une machine trop bien huilée? Ou même, peut-être, l'espoir que le fun l'emporte sur le sérieux, le léger VS l'intellectuel? De mon côté, je sais aussi que l'unanimité des bookmakers a eu raison de moi, en semblant tuer totalement cette édition. Bien sûr que les bookmakers ne concernent que ceux qui parient ou les eurofans qui regardent les cotes (et ils ne sont certainement pas majoritaires parmi les dizaines de millions de téléspectateurs à travers l'Europe), mais il était tout de même difficile de ne pas savoir que la Suède était favorite, tant tout le monde l'aura rappelé, juste après avoir rappelé que, oh, c'était l'Eurovision (et avant d'ajouter que, hé, on est pas mal classé aussi chez les bookmakers - bon, ça, c'est un autre point dommage, évidemment...). Et attirer l'attention sur un favori, ce n'est jamais anodin quand on sait qu'on va devoir écouter 26 chansons (VINGT-SIX CHANSONS) a priori inconnues (ou presque) pour choisir la meilleure.

Mais allez, ce n'est qu'un concours de chanson et... c'est aussi le charme de l'Eurovision d'écouter des tas de chansons, d'en aimer quelques-unes, d'en adorer certaines et de regretter que ce ne soit pas celles-là qui gagnent... Même si ça commence à faire quelques éditions à la suite que la chanson victorieuse ne m'emballe pas particulièrement. L'édition 2023 est terminée, Loreen rejoint Johnny Logan dans le club des doubles vainqueurs, la Suède rejoint l'Irlande dans le club des septuples vainqueurs (avec une dynamique qui laisse imaginer qu'elle pourrait bientôt être seule en tête) et il n'y a plus qu'à attendre l'année prochaine.

Surtout que l'année prochaine, ohlala...

Quarante ans après la victoire de Corinne Hermès, le Luxembourg a officiellement annoncé son retour! Le quintuple vainqueur du concours (à égalité avec la France et le Royaume-Uni) revient dans la bagarre et pourra se poser en adversaire de choix face à la Suède pour être sur le toit de l'Europe. Même si, certes, qui a gagné cinq fois avant 1983 ne gagnera pas forcément si facilement dans les années 2020 (je cherche un exemple, là, hum...). C'est que, lors de leur dernière participation, il y a pile trente ans, tout le monde avait des permanentes, même les chanteurs. Vous imaginez une permanente sur Käärijä... est-ce que ça ne paraîtrait pas un peu ridicule?

Mais pour commencer, le Luxembourg pourra essayer de faire un retour aussi gagnant que l'Italie, elle aussi démissionnaire dans les années 90 et qui avait décroché le podium en 2011. La victoire, on verra peut-être plus tard. 

Tant que c'est pas la Suède...

 
Modern Times - Donne-moi une chance de te dire (Luxembourg - 1993 - 20e)

Commentaires

Nataka a dit…
Je n'irais pas jusqu'à qualifier Tattoo d' "intellectuel", quand même.
Pierre a dit…
Intellectuel, c'est peut-être un peu fort. Mais il y a clairement un truc un peu arty, dans le style musical et la mise en scène. On est sur une proposition qui se la pète un peu plus que celle de la Finlande (mais "intellectuel de l'Eurovision", oui). Des vraies propositions "intellectuelles", c'est rare (la Serbie? l'Espagne?).
Nataka a dit…
Sophistiqué ?
Nataka a dit…
J'ai compris pourquoi je n'aime pas la chanson polonaise : elle me rappelle Stars Are Blind. Y a un rythme ensoleillé derrière mais c'est tout mollasson, c'est du faux dynamisme.

Je me demande si ce sera Petra à la présentation l'an prochain, ça serait au moins une bonne nouvelle.
Pierre a dit…
Mais est-ce que Petra, à un moment, ne risque pas de faire l'année de trop? On en attendra toujours forcément beaucoup. Même si, certes, on n'a pas le temps de laisser la nostalgie enjoliver nos souvenirs, puisqu'on y retourne tous les 3 ans.
Nataka a dit…
Oh non, la nostalgie à eu largement le temps d'enjoliver mes souvenirs.
Pierre a dit…
C'est vrai que, à force, Love Love Peace Peace date quand même de 2016. Mais tu es nostalgique de 2016, déjà?
Nataka a dit…
Nostalgique de 2016 non, pas vraiment. Mais je suis toujours amatrice de bons numéros de comédie musicale pour animer les intermèdes.
Pierre a dit…
Mais regarde, cette année, tu as eu une chanson de Noël et tu étais tout aussi satisfaite! Et Duncan Laurence qui chante pour Ruslana restée en Ukraine, ça aussi ça t'a plu!

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