Voyage en Auvergne
Sachez-le, c'est le cœur rongé par les remords que je me présente à vous aujourd'hui... Pour tout vous dire, cela fait deux jours que je m'en veux et ce n'est pas le calme effrayant de la campagne profonde que j'ai retrouvée du même coup qui m'aide à oublier que j'aurais pu, mais que je n'ai pas pu. Je pourrais considérer cette caténaire en panne, qui m'a fait passer une heure dans la patrie d'Élodie Frégé alors même que mon train ne devait pas s'y arrêter, comme une punition divine, mais ce serait me renier, moi qui ai reçu cet incident comme un cadeau du Ciel qui venait ensoleiller une journée où on se les caillait, en me permettant de passer une heure de plus assis presqu'en face d'Anthony, à le regarder, assoupi, s'affalant de plus en plus sur son bras, son visage se cachant ainsi progressivement dans sa capuche et son corps me tournant lentement mais sûrement le dos pour me permettre d'espérer voir l'étiquette de son jean qui était bien cool.
En fait, je n'ai jamais su; il portait une ceinture.
Et peut-être qu'il s'appelait Yohan.
Ou Kévin.
Mais en fait, je ne sais pas! Je n'ai pas su profiter du moment où il a tendu son billet et sa carte 12/25 au contrôleur pour obtenir son identité...
Tout aurait pourtant pu être si parfait! Il se serait réveillé, se demandant un peu où il se trouvait, aurait croisé mon regard. J'aurais ramassé un truc qu'il aurait fait tomber et il aurait sauté sur l'occasion pourme sauter vite fait dans les toilettes me remercier chaleureusement et ç'aurait été le début d'une belle histoire, qui lui aurait fait oublier sa terrible coqueluche (à moins que ce ne soit la tuberculose, mais ça manquait un peu de sang, dans ce cas, quand il toussait).
Je vous avoue que son merci à mon égard quand je me suis jeté sur une pièce qu'il avait fait tomber pour lui rendre était un peu froid, comme s'il semblait préoccupé. Mais quoi?! J'ai voulu trop précipiter? Je lui ai fait peur? J'ai détruit son plan mûrement réfléchi où il venait lui-même vers mon siège ramasser sa pièce, tout en me frôlant par-mégarde-bien-sûr?
Pfff, moi qui prenais enfin une initiative! J'ai tenté de faire le premier pas, je l'ai brusqué, et voilà!
Comment voulez-vous que je prenne confiance en moi, en pareille circonstance?!
Et comment voulez-vous que, arrivé à la gare de Vichy, je me lève pour aller vers lui, lui toucher l'épaule et lui déclarer sur le ton le plus naturel possible (et d'un seul souffle, histoire que le train ne soit pas déjà reparti au moment où j'aurais terminé ma phrase) «excusez-moi, jeune homme, je n'ai pas pu m'empêcher de vous observer depuis le début de ce trajet et, en particulier, je n'ai pas su résister à la tentation d'écouter votre conversation téléphonique de tout à l'heure, pour entendre votre voix, au cours de laquelle j'ai cru comprendre que vous descendiez à Vichy, où nous venons d'arriver»?!
Alors, arrivé à la gare de Vichy, j'ai été un peu préoccupé, mais je n'ai rien osé dire.
Et quand, alors qu'on arrivait presque à la gare de Riom, il s'est réveillé en sursaut, un peu perdu, apprenant par son voisin que le train était déjà passé à Vichy, prenant aussitôt tous ses bagages sous le bras pour se rendre devant la sortie, comme s'il allait pouvoir descendre aussitôt, je me suis senti coupable...
C'est vrai, quoi... Je me serais contenté d'un simple «hé, on est à Vichy», il aurait été tellement content que je le réveille à temps et tellement dans le stress de devoir descendre ses trois sacs en un temps limité qu'il n'aurait pas eu le temps de se rendre compte que je ne pouvais pas savoir ça, normalement, sauf si j'étais un de ces pervers qui passent leur temps à zieuter les gens dans le train et qui les espionnent juste parce qu'ils veulent coucher à tout prix...
Et puis, au pire, il n'aurait pas eu le temps d'amener ses sacs jusqu'à la sortie et on aurait pu profiter du trajet jusqu'à Riom pourbaiser sauvagement dans les toilettes faire connaissance.
Et j'aurais même pu savoir la marque de son jean...
En fait, je n'ai jamais su; il portait une ceinture.
Et peut-être qu'il s'appelait Yohan.
Ou Kévin.
Mais en fait, je ne sais pas! Je n'ai pas su profiter du moment où il a tendu son billet et sa carte 12/25 au contrôleur pour obtenir son identité...
Tout aurait pourtant pu être si parfait! Il se serait réveillé, se demandant un peu où il se trouvait, aurait croisé mon regard. J'aurais ramassé un truc qu'il aurait fait tomber et il aurait sauté sur l'occasion pour
Je vous avoue que son merci à mon égard quand je me suis jeté sur une pièce qu'il avait fait tomber pour lui rendre était un peu froid, comme s'il semblait préoccupé. Mais quoi?! J'ai voulu trop précipiter? Je lui ai fait peur? J'ai détruit son plan mûrement réfléchi où il venait lui-même vers mon siège ramasser sa pièce, tout en me frôlant par-mégarde-bien-sûr?
Pfff, moi qui prenais enfin une initiative! J'ai tenté de faire le premier pas, je l'ai brusqué, et voilà!
Comment voulez-vous que je prenne confiance en moi, en pareille circonstance?!
Et comment voulez-vous que, arrivé à la gare de Vichy, je me lève pour aller vers lui, lui toucher l'épaule et lui déclarer sur le ton le plus naturel possible (et d'un seul souffle, histoire que le train ne soit pas déjà reparti au moment où j'aurais terminé ma phrase) «excusez-moi, jeune homme, je n'ai pas pu m'empêcher de vous observer depuis le début de ce trajet et, en particulier, je n'ai pas su résister à la tentation d'écouter votre conversation téléphonique de tout à l'heure, pour entendre votre voix, au cours de laquelle j'ai cru comprendre que vous descendiez à Vichy, où nous venons d'arriver»?!
Alors, arrivé à la gare de Vichy, j'ai été un peu préoccupé, mais je n'ai rien osé dire.
Et quand, alors qu'on arrivait presque à la gare de Riom, il s'est réveillé en sursaut, un peu perdu, apprenant par son voisin que le train était déjà passé à Vichy, prenant aussitôt tous ses bagages sous le bras pour se rendre devant la sortie, comme s'il allait pouvoir descendre aussitôt, je me suis senti coupable...
C'est vrai, quoi... Je me serais contenté d'un simple «hé, on est à Vichy», il aurait été tellement content que je le réveille à temps et tellement dans le stress de devoir descendre ses trois sacs en un temps limité qu'il n'aurait pas eu le temps de se rendre compte que je ne pouvais pas savoir ça, normalement, sauf si j'étais un de ces pervers qui passent leur temps à zieuter les gens dans le train et qui les espionnent juste parce qu'ils veulent coucher à tout prix...
Et puis, au pire, il n'aurait pas eu le temps d'amener ses sacs jusqu'à la sortie et on aurait pu profiter du trajet jusqu'à Riom pour
Et j'aurais même pu savoir la marque de son jean...
Commentaires
C'est pourquoi, à part cette envie de baiser sauvagement dans les toilettes d'un train, je te comprends.
Je tiens à préciser que je n'ai techniquement pas envie de baiser dans les toilettes d'un train, mais disons que c'est ce qui me semblait le plus pratique sur le moment. Je ne sais même pas comment sont les toilettes d'un train!
Et pour le reste, je comprends que tu t'en veuilles: il a forcément compris que tu savais quand il t'a regardé, l'œil triste et le cou au frais. J'ai eu un peu cette sensation aussi, avec Anthony.