Gâteau empoisonné?


C'est un peu triste, comment un monument peut prendre un coup dans l'aile de son casque d'un coup d'un seul. Et voilà comment, après cinquante ans de hauts et de bas mais surtout de hauts, j'ai tourné la couverture de L'anniversaire d'Astérix & Obélix - Le livre d'or avec une réelle appréhension. Il y avait ce titre, d'abord, laissant craindre le pire. Cette couverture, aussi. Mais surtout le terrible souvenir de Le Ciel lui tombe sur la tête. Et force est de reconnaître que les craintes subsistaient à la lecture du mot d'«Astérix» qui, en lieu et place de la page de titre, remercie ses lecteurs fidèles depuis cinquante ans, auxquels il doit son succès et, surtout, pour le soutien qu'ils lui ont témoigné en continuant à acheter aimer ses albums même après la mort de Goscinny, qui auraient dû marquer sa mort à lui aussi, si on avait dû écouter ces méchants journalistes...
Ah, donc, Astérix-l'ami-des-enfants a la cinquantaine aigrie...
Soit.
Difficile de savoir ce qu'en pense Anne Goscinny, qui ne s'écoute visiblement pas écrire et part dans une page de souvenirs assez âpre à la lecture sur la page suivante, avant qu'enfin, commence le 34ème album d'Astérix et Obélix.

Et sans extra-terrestres, Bélénos merci!
La promesse éditoriale était pourtant de revoir au fil des pages tous les personnages qui ont pu croiser la route des Gaulois au fil des albums, mais il y a des gens qu'on n'a pas envie de revoir. Un peu comme Kem, dans Urgences. Il suffit de voir dans quelles circonstances ridicules les pirates viennent ici faire coucou pour se convaincre qu'Albert Uderzo a bien fait de ne pas se forcer pour caser absolument tout le monde.
Mais n'allons pas si vite en besogne: en page 5, Astérix, Obélix et tous les villageois prennent d'un coup les cinquante ans auxquels ils avaient échappé les cinquante dernières années, profitant d'un avantage propre aux héros de bédé. C'est un peu maladroit et pas extrêmement original, mais sympathique. Et c'est exactement ce qui définit l'ensemble de cet album, qui marque la première rencontre sur le papier entre les Gaulois et leur Créateur (graphique, tout du moins), mais aussi la dernière rencontre en vrai. Maintenant qu'Uderzo a officiellement accepté l'idée de la reprise après sa mort, on sent ici qu'il fait un dernier tour de piste avec ses chers Gaulois, avant de les abandonner. Sur l'une ou l'autre des planches, on jurerait même qu'il les a déjà prêtés, du moins on l'espère (ou on le craint, puisque c'est évidemment une manière détournée de dire que le graphisme n'est pas toujours égal).
Cet anniversaire d'Astérix & Obélix est un livre d'or un peu en toc, trop fourre-tout (mêlant dessins publicitaires un peu datés, cases déjà publiées et personnages qui arrivent à la va comme je te pousse) et carrément décousu (aucun doute, il n'y a aucun scénario), mais on peut y ressentir l'amour qu'a pu éprouver Uderzo pour ses personnages et pour la bande dessinée. Au fil de clins d'œil à Franquin et au Parc Astérix ou quelques placements de héros dans les tableaux de David et Vinci, autour d'un texte d'époque de Goscinny qui prouve qu'Uderzo n'est pas le seul à avoir eu des moments de faiblesse (mais qui a au moins l'avantage de faire durer un peu la lecture), il se dégage de l'album quelque chose de sympathique malgré tout, sans crime de lèse-majesté, même si l'idée de voir Astérix en Marsupilami, Obélix en gangsta rappeur et des dauphins peut un peu effrayer, de prime abord.

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