Ciné-réalité

Pour me faire à l'idée que les vacances s'achèvent déjà, j'ai choisi de sortir d'entre les murs de chez moi pour m'enfermer entre les murs de de Entre les murs. Pour revoir à quoi ressemble des élèves et vivre ma vie par procuration deux heures durant grâce à François Bégaudeau... Je dois dire, autant le faire tout de suite: je ne sais pas trop quoi penser de Entre les murs en tant qu'objet cinématographique. Sans doute est-ce un bon film, puisque le groupe de quinze ados des cités (incluant quelques demoiselles dont on pourrait dire si on jugeait bêtement les gens sur leurs coiffures, leurs vêtements et leurs rires qu'elles avaient une attitude de pétasse) a été absorbé par le film. Ou s'est endormi, mais n'a pas moufté, en tout cas.

Mais moi, je ne sais pas. Je suis trop concerné (déjà) pour être objectif. Cette dernière phrase pourrait être l'occasion d'ouvrir un débat sur l'existence (ou pas) de chefs-d'œuvre objectifs, mais je ne suis malheureusement pas professeur de français. Et c'est ainsi que, par exemple, j'ai eu parfois du mal à trouver les cours orchestrés par ce professeur crédibles. J'ai eu aussi un peu de mal à imaginer seulement laisser une classe sans surveillance pour emmener un élève chez le principal. Et puis, combien de fois j'ai voulu que les élèves enlèvent leurs casquettes ou leurs capuches en entrant dans la salle! J'ai même été choqué en les voyant tripatouiller des oreillettes, ou que Monsieur Français trouve être une bonne idée d'être plus laxiste dans son cours au sujet des téléphones portables (pire encore que par les chaises estampillées «Région Île-de-France», alors que c'est logiquement le département qui finance les collèges)... J'ai été aussi très embêté par sa première remarque de l'année sur les heures et les minutes qu'on perd qui perd tout crédit quand une élève lui rappelle qu'une heure ne dure jamais une heure, mais ça m'arrive aussi de foirer mes effets. Et pareil quand il finit par légèrement insulter ses élèves, puisque après tout, j'ai bien servi un très convaincant «ta gueule» à l'une des miennes. Je ne sais pas bien par contre pourquoi il s'embourbe tout seul dans certaines situations... Mais après tout, la CPE lui parle bien de choses privées en plein milieu du couloir.

Le problème aussi est que Monsieur Français est un peu le seul point de vue de l'histoire, et que ses collègues en désaccord avec lui, qui pourraient dire des choses intéressantes aussi, donnent surtout l'impression d'être en désaccord avec le héros, et de paraître un peu antipathiques (et en même temps, Monsieur Histoire ne paraît pas être terriblement affable). Je n'ai pas parlé des élèves, mais ils sont un peu dans le genre de ceux que je rencontre, parfois pénibles, parfois très attachants. C'est en tout cas très difficile de se dire qu'il s'agit bien d'un film, que tout le monde joue un rôle, tant, lors des scènes de classe, on se croirait dans un docu, avec une caméra posée là...

Il y a une chose dont je suis sûr, par contre, c'est que le film ne méritait pas la bande-annonce qu'il a eu. Celle qui met si fièrement en exergue le fabuleux «eh ouais, c'est pas un livre de pétasse», qui donne l'image d'un film wesh-wesh alors qu'il ne l'est pas. Du moins, pas tant que ça. Et surtout, alors que cette réplique a un sens si fort dans l'histoire du film, que ce ne sont pas des mots gratuits, loin de là! Oui, il y a une histoire dans ce film et elle est prenante. Sur ce point-là, Entre les murs est un bon film. Mais je ne sais pas si j'en ai bien compris le message sous-jacent.

Commentaires

Jeanne ou Serge a dit…
Il va falloir que j'aille me replonger dans les classes difficiles, histoire de ne pas oublier... mais tu n'es pas le seul à rester perplexe devant la manière de gérer les élèves de M.Français, et surtout sa façon de toujours tout expliquer, de se justifier... Mme Espagnol a dit la même chose que toi.
Anonyme a dit…
Pourrais-tu expliquer ta phrase "partiellement, vu que le reste en est très loin", j'ai peur de ne pas comprendre ta formulation.
Pour ce qui est de mon analyse, je voulais dire que le film ne me semblait pas démonsratif comme un reportage, mais plutôt observateur, comme si la narration était extérieure. Même si le prof est le centre du film, il n'est pas idéalisé ou héroïsé. Par moments, il n'est même pas sympathique.
Pierre a dit…
Ma formulation est maladroite parce que je crois que j'ai rajouté ce morceau à la fin. Je voulais dire que, selon moi, les scènes de classe -et seulement les scènes de classe- relevaient d'une sorte de documentaire, d'un travail journalistique (mais tu parles d'observation et tu as raison). Le reste me semble un peu moins naturel dans la mise en scène (ou alors ce serait un documentariste qui aurait filmé un nombre impressionnant de situations utiles). Par contre, c'est certain, le héros n'est pas toujours sympathique, comme les autres. Finalement, c'est un bon film.

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