Les trésors oubliés de la chanson française (hors-série spécial été)

Les puristes vous le diront: en matière de valises, il y a deux périodes, la première et la seconde (les puristes sont des gens très pragmatiques). Les non-puristes seraient alors tentés de distinguer un peu facilement la période Récré A2 de la période Club Dorothée, mais ce n'est pas si simple puisque, pour être plus juste, il faudrait plutôt séparer les années 1980 et les années 1990, durant lesquelles s'ajoutent aux pérégrinations de la blonde animatrice chanteuse une exploration des plus grands styles musicaux trop méconnus du grand public, car divertir la jeunesse, c'est aussi une mission de service public... Mais qu'importe, la saga des valises est avant tout le meilleur moyen d'entrer un peu plus dans l'intimité de l'idole des enfants d'avant!

Première époque: 1982/1989 - C'est pas tous les jours facile d'être une vedette
Passons brièvement sur la première valise, elle est déjà détaillée ailleurs, pour nous attarder sur ses suites. Lorsque nous la retrouvons, en 1983, Dorothée vient tout juste de vider sa valise dans le mobile-home qu'elle loue au Camping des Flots Bleus (J'ai vidé ma valise, 1983). C'est que ce sont encore les débuts, et il faut éviter les excès. Pareil pour la valise, particulièrement allégée depuis l'année précédente, pour se recentrer sur le strict nécessaire: chemises, paire de baskets, trousse de toilette, jupe grise et perruque qui frise pour les soirs de fête. Ainsi que suffisamment de chaussettes rouge et jaune à petits pois pour remplir le tiroir, la commode du couloir et la grande armoire du fond. Pas de traces par contre de la photo de Sébastien emportée l'année d'avant, ni de quoi que ce soit en rapport avec le canari et le chien qui ont probablement passé l'arme à gauche, mais l'avenir lui apportera bientôt un nouveau compagnon. D'ailleurs, la demoiselle a déjà trouvé un beau jeune homme aux yeux verts pour noyer son chagrin le temps de l'été, dont elle dit elle-même vouloir profiter (de l'été, pas du garçon, mais peut-être est-ce lié...).
Tout s'annonçait mieux l'année suivante, puisque Sébastien avait retrouvé une place dans son coeur. Hélas, Dorothée pèche par gourmandise en allant s'acheter des bonbons. La punition divine ne se fait pas attendre: sa valise a disparu (Où est passée ma valise?, 1984)! Et il lui faudra une année entière pour expier sa faute et retrouver enfin sa valise (J'ai retrouvé ma valise, 1985), de manière fortuite et inopinée, remplie à l'identique, aux îles Marquises, où il était écrit qu'elle devait passer. C'est ce qu'on appelle avoir une chance de cocue, et ça aussi c'était écrit...
En 1986, la gloire est enfin là, au point que Do peut s'offrir le luxe de partir pour la première fois à l'étranger (car oui, les Marquises sont en France) et remplir sa valise plus que les années de disette, celles où elle était obligée de chanter des chansons de Schtroumpfs pour vendre des disques (Ma valise, 1986)... Las!, à l'époque, les demoiselles blondes au long nez sont irrémédiablement suspectées des pires maux et, pour un simple délit de faciès, le douanier lui fait vider sa valise, comme ça, en plein milieu de l'aéroport. Comme il a des grands yeux verts, elle n'hésite pas à le draguer pour manger à l'œil, prétextant sans doute que le Sébastien de la photo est son frère, et il la croira, et il espèrera la revoir, voire l'épouser...
L'idiot! Il devrait savoir que Dorothée n'a pas de cœur; la preuve, elle a quitté Antenne 2 pour TF1. Un transfert qui l'a visiblement accaparée puisque, depuis son retour, elle n'avait pas encore totalement vidé sa valise (Valise, valise, 1987). Et quand celle-ci lui est volée (du moins c'est ce qu'elle croit quand elle va porter plainte auprès du commissaire qui a les yeux verts), il y restait encore un cartable, une couette, une chaise et des tables, ou un maillot de bain, tant pis si elle ne les avait pas emmenés l'année précédente, mais tant mieux si elle n'en avait pas eu besoin entre-temps, et félicitations à tante Simone dont les années de musculation ont porté leurs fruits.
L'inévitable se produit l'année suivante: Dorothée subit de plein fouet les affres du surmenage (Qu'est-ce que j'oublie dans ma valise?, 1988). Ainsi, si elle pense à emporter un jambonneau, une veste dorée et même un os de requin (pour le chien, rassurez-vous, elle n'est pas fatiguée à ce point...), elle oublie ses chaussettes rouge et jaune à petits pois... auxquelles elle repense heureusement à temps. Il n'empêche qu'elle oublie pour la première (et unique) fois sa jupe grise et que ça, le monde entier s'en tamponne!
Le monde entier? Pas tout à fait. Car Maman veille, et elle est là pour la réconforter, l'aider à repartir dans la vie sur des bases saines, en lui offrant une nouvelle valise, assez grande pour contenir un accordéon, un sombrero, sa paire de skis, ses bikinis et un pyjama à rayures du meilleur goût (Ma nouvelle valise, 1989). Il y reste aussi une place pour la photo de Sébastien, mais on sent bien qu'il n'est pas le moins coupable de l'état psychique lamentable de Dorothée, qui cède sans sourciller aux avances d'un beau jeune homme très fort, mais aux yeux même pas verts...

Deuxième époque: 1990/1996 - Sébastien, on s'en fout!
Bien sûr, tout le monde aurait aimé que la romance entre Dorothée et Sébastien soit aussi belle que celle de Nicolas et Marjolaine (qui se sont retrouvés comme par le passé, malgré le mariage du premier avec une autre que la seconde). La Valise Ninety One, sortie logiquement en 1990, confirme les craintes de 1989, puisqu'elle y règle ses comptes à coup de rapàlabennybi des plus virulents: Sébastien n'est qu'un chien, il ne mérite que la laisse! Ceux qui affirment qu'il peut aussi s'agir d'une ultime tentative de relancer la passion dans le couple ne pourront que se convaincre de sa détresse sentimentale en la voyant en transe à l'arrivée d'un inconnu même pas aux yeux verts, même pas beau, même pas fort.
Heureusement, plutôt que dans la drogue, c'est dans la danse qu'elle noie son chagrin (Ma valise pour danser, 1991). L'année suivante, elle a ainsi retrouvé le goût de se faire belle pour "dancer" jusqu'au bout de la night, avec ses baskets, ses foulards, son jeans et sa jupe grise, ainsi que quelques bottins et une passoire, pour le cas où une envie pressante de nouilles se ferait sentir sur le dancefloor.
Mais finalement, Sébastien est de retour et Dorothée est comblée, au point qu'elle meurt d'envie d'abréger ses vacances d'été 92, à l'inverse de sa valise (Valise 93, 1992). Tellement comblée que bientôt, tout n'est qu'Amour, car Dieu est Amour, tout le monde s'aime et le monde est beau, nous sommes tous frères et même nos sœurs sont nos frères, cool brother et yo man (Valise Raggamuffin, 1993)! Il faut juste faire attention au verglas, car le verglas, ça glisse... Accessoirement, le feu, ça brûle.
Ce qui n'empêche pas Dorothée de jouer avec malgré tout. Pour ses vacances à Nashville (Ma valise pour Nashville, 1994), berceau de la country-music, elle ressort sa vieille valise, qu'elle avait pourtant enfouie sous sa lourde collection de livres de Tolstoï (Guerre et paix: 1400 pages). Et les démons du passé ressurgissent: la valise se perd malencontreusement à Sedan, et immanquablement, elle lui est rapportée par un gentil garçon (il faut l'être pour faire le voyage Sedan/Nashville pour rencontrer quelqu'un qui emmène -pour un voyage à Nashville- des maillots de bain et des tenues de sport d'hiver) très mignon aux grands yeux vraisemblablement verts et aux cheveux blonds...
Oublié, Sébastien!
Et définitivement!
Et d'ailleurs, oubliés les garçons, si on se réfère au rap hardcore que Dorothée assène sans concession au jeune galopin qui lui avait chouré sa valise et auquel elle refuse un petit smack de rien du tout pour récupérer ses précieuses chaussettes rouge et jaune à petits pois (Valise 96, 1995)...
Il faut se rendre à l'évidence, la demoiselle n'est plus si jeune que ça, comme le prouve sa passion nouvelle pour l'opéra, les tailleurs en alpaga et le canevas. Et surtout, ça sent un peu le sapin pour elle à la tévé, et il lui faut songer à sa reconversion. Son voyage à la Costa Brava durant l'été 1996 (Valisa 97, 1996) n'est là que pour faire illusion: pour gagner sa vie décemment, la future ex-vedette de TF1 en est réduite, comme toute star has-been, à faire des ménages. Si c'étaient de vraies vacances, pourquoi donc emporterait-elle un agenda dont elle n'a jamais ressenti le besoin en quinze ans? Et on n'ose même pas imaginer à quels types de prestations elle accepte de se livrer, avec un chapeau chinois, un vélo danois, des chaussures pour le verglas, des protège-tibias et une boîte de sparadraps... C'est ainsi qu'une gloire de la télé en est réduite à parodier la Macarena dans des night-clubs entre deux et trois heures du matin...
Après tout, ce n'est pas comme si elle se produisait tous les mardis soirs dans une boîte à Maubeuge sur un vieux play-back d'il y a vingt ans vaguement remixé salsa (La Valise Original New Mix, 2006)...

Que c'est triste la déchéance d'une idole...

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