La même rengaine

Ce 10 mai 2024 permet de commémorer, avec toute la morgue nécessaire, le triste dixième anniversaire de la première (et pour le moment dernière) dernière place de la France à l'Eurovision. Chacun se souvient d'où il était et de ce qu'il faisait, ce soir tragique du 10 mai 2014 où seules la Suède et la Finlande donnèrent un point symbolique à Moustache des Twin Twin.

 
TWIN TWIN - Moustache (France) - Eurovision 2014 (dernière place)

Dix ans après, la blessure est encore vive, mais en revoyant la prestation, on est bien obligé de s'étonner d'avoir déjà eu deux points. Il y avait un vrai potentiel, j'en suis encore convaincu. Certainement pas de quoi titiller la moustache de Conchita Wurst, mais on aurait pu présenter un numéro décalé, plein d'un second degré compréhensible par toute l'Europe, créer une vibe autour de la moustache. La Moldavie le fait une année sur deux avec des chapeaux pointus, pourquoi la France n'en serait-elle pas capable? Sauf que, qui dit "la France à l'Eurovision en 2014" dit "budget scénographique de 14€" et le résultat était juste foutraque et désagréable à regarder. Désagréable à écouter, aussi.

Quoi de mieux qu'une victoire de Slimane demain, pour totalement effacer ce triste souvenir de nos mémoires, hein?  

(Si jamais le concours a bien lieu demain, ce qui n'est pas absolument certain dans la confusion d'aujourd'hui)

Mais puisque l'Eurovision, c'est avant tout de la joie et du fun (et quelques considérations géopolitiques), alors il faut aussi signaler qu'on vient tout juste de fêter le 40e anniversaire du triomphe suédois des Herreys avec Diggi-Loo Diggi-Ley. C'était le 5 mai 1984.

Quelle belle année, 1984!

Et dix ans plus tôt, un mois plus tôt, ce qui nous ramène cinquante ans et un mois en arrière et ne nous rajeunirait pas si on n'était pas si jeunes, nous étions le 6 avril 1974 et ABBA apportait une première victoire à la Suède avec Waterloo et lançait sa carrière avec le succès que l'on sait à l'international. Sauf en France, où il fallut attendre trois jours de plus, le temps d'enterrer un président de la République. 

C'est par ce genre d'événements qu'on peut mesurer combien les temps changent et voir la marche du monde, la marche de la France! En 2024, on sait désormais faire le matin une commémoration de fin de Seconde guerre mondiale, et dans la soirée une arrivée en fanfare de Flamme olympique. D'ailleurs, les Jeux olympiques et une victoire à l'Eurovision: est-ce que c'est pas un combo évident?

Mais en attendant de voir Slimane être le dernier porteur de la flamme olympique le 26 juillet prochain, revenons à nos ABBA. Car, avant même toutes ces célébrations, ils étaient à l'honneur cette saison au Casino de Paris, où se rejouait Mamma Mia!, douze ans après son premier passage à Mogador.

 
Mamma Mia! - Bande-annonce

En voyant la bande-annonce, qui, fatalement, utilisait des images de la première version, j'avais tellement envie d'y retourner. C'est que, curieusement, je n'ai jamais vraiment trop écouté ABBA. Waterloo, comme tout le monde, et les extraits qui passaient dans les pubs pour les compils d'ABBA à l'époque où ça se faisait et où ça se vendait comme des petits pains, donc que les pubs passaient encore et encore, dans les années 1990. Pourtant, si jamais vous fredonniez Mamma mia en ma présence, je vous accompagnerais sans doute... et nous divergerions sans doute aussitôt. Mamma mia, c'est la même rengaine. Non non, je ne peux pas résister!  

Money, money, money? Rien à compter pour un millionnaire! Aaaaaaaaah, j'aurais tant à donner si on me rendait la monnaie... j'suis pas millionnaire!

C'est ainsi, les chansons d'ABBA n'ont une vie dans mes oreilles que dans leur version française. Et en revoyant des flashs lointains d'une troupe réunie qui tend les bras pour mendier en rythme. Ou des gens en gilet de sauvetage fluo qui envahissent la scène en chantant Voulez-vouuuuuus, ah ah! Ou une ribambelle de types palmés qui viennent déshabiller le futur marié pendant le pont de Laisse-moi l'amour aussi

Ahlala, est-ce que vous connaissez Laisse-moi l'amour aussi? Si oui, forcément que cette chanson vous procure une sensation de plaisir absolu au fur et à mesure des refrains, non? Alors que Lay All Your Love On Me, pfff, c'est gentiment longuet... C'est d'autant plus mystérieux que La planète Amour, où Abbacadabra reprend encore la même mélodie, quel banger c'était!

Évidemment, c'est un peu déstabilisant d'entendre la Meryl Streep locale chanter C'est la loi du plus fort au lieu de Bravo, tu as gagné mais il n'y a guère qu'Héléna de la Star Academy pour aller un peu plus loin dans les paroles que ...et moi j'ai tout perdu. Moi, en tout cas, régulièrement tout au long du spectacle, je pouvais playbacker avec un certain plaisir, sur tout ou partie des refrains. Pas davantage non plus, parce que, finalement, les chansons de Mamma Mia! n'ont une vie dans mes oreilles que très exceptionnellement et depuis 2013, ça faisait un petit moment qu'elles ne s'étaient pas rencontrées. Quelle idée désolante d'avoir sorti un album pseudo-live à l'époque... C'est comme ça qu'on finit par idéaliser une comédie musicale.

Parce que, finalement, ce Mamma Mia! a tout de même quelques moments de creux. Le début de l'intrigue est un peu trop timide (c'est toujours dommage, quand le premier morceau n'est pas un numéro d'ensemble), et c'est de nouveau le cas pendant l'acte 2.Oui, il arrive qu'on s'ennuie! Certains personnages secondaires sont un peu problématiques dans la représentation des sentiments amoureux et de la drague, vus de 2024 (ils devaient déjà être sacrément lourds en 2012). Mais, au final, c'est presque de l'ordre du détail. Parce que les numéros d'ensemble dégagent une énergie débordante, qui emporte tout. Des danseurs avec des palmes, comment on peut ne pas trouver ça génial?!! Un trip nocturne avec des ombres vêtues de gilets de sauvetage fluo, qui pourrait résister? Et puis les tubes, les soirées disco (sur Super Trouper ou Un homme après minuit), une prouesse vocale émouvante sur La loi du plus fort, un mariage qui fait que tout finit bien quand même, la plage, la Grèce en carton-pâte et des gens en maillot de bain... Tout contribue à sortir du Casino de Paris avec le sourire, et à reprendre Waterloo en chœur avec tout l'ensemble sur scène... même si ce n'est pas en français dans le texte.

Les livres d'histoire et la vie racontent la même comédie...

J'espère tout de même que ce billet ne vous aura pas trop donné envie de le (re)voir, parce que c'est (re)fini. En revanche, et ça pourra peut-être vous consoler, le Casino de Paris reprend Je vais t'aimer à la rentrée. 

C'est le Mamma Mia! de Michel Sardou.

Et c'est pas génial, mais ce serait mentir de dire que je n'ai pas passé un agréable moment aussi.

En regrettant un livret un peu paresseux qui n'a pas osé injecter de second degré ni essayé de dé-réac-iser certaines chansons... et en me demandant aussi dans quelle mesure Emji était heureuse de l'évolution de sa carrière depuis sa victoire à Nouvelle Star.

En attendant bien sûr Viens on s'aime, le Mamma Mia! de Slimane.

Je vais t'aimer - Bande-annonce

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