Le corbeau (I know what you did last decade)

Je crois pouvoir le dire: ma rentrée s'est finalement bien passée.
Et pourtant, il faut bien le dire, j'ai craint le pire! Quand j'ai su ce qui m'attendait cette année, en mai, on peut même dire que ça a été un moment un peu douloureux. L'idée de changer de collège, déjà, ne m'enchantait guère, ne l'ayant pas personnellement demandé. Mais surtout, l'idée de changer de collège pour revenir dans le collège où j'ai été élève, hum, comment dire... ça craignait. Rester dans ma ville, oui, c'est cool; revenir sur les traces de quand j'avais treize ans, non, c'est naze.
Je me suis rassuré comme j'ai pu, en me disant que les profs ne sont plus les mêmes, que le collège lui-même a été complètement reconstruit (et heureusement!) et que, finalement, c'était plus sur les traces de ma sœur que je marchais.
De toute façon, dans mon collège n°2, l'an dernier, j'avais déjà eu à travailler avec deux ex-profs de mes tendres années.

Alors est venue la phase si ça se trouve, ça peut être bien, puisque, finalement, ce nouveau collège est pile entre les deux que je parcourais l'an dernier et que, fondamentalement, ça ne changeait rien. Je croiserais autant d'élèves dans la rue, éventuellement Mum pourrait tout autant leur acheter des dévédés à la brocante du quartier (que je pourrais ensuite ramener en cas de dysfonctionnement) et, a priori, il n'y avait pas plus de chances de finir égorgé qu'ailleurs, malgré une sombre affaire d'agression à la tringle à rideau qui a fait un peu de bruit dans le landerneau local (et pas que). En plus, le petit frère du petit ami de ma sœur est justement dans ce collège! Si c'est pas cool, ça!

Finalement, je ne l'ai pas eu sur mes listes.
Pas plus que le petit frère d'un ex-camarade de classe de l'époque avec lequel j'ai malencontreusement pratiqué des relations sexuelles depuis.
Dommage, tiens.

Et finalement, mon passage dans ces lieux à une époque où la France n'avait encore jamais gagné de Coupe du Monde de football (mais s'apprêtait à le faire) a plutôt amusé mes nouveaux collègues -peut-être moins ceux qui m'ont croisé alors sans s'en souvenir et ont donc affronté d'un coup le temps qui court- et, en un sens, facilité mon intégration. Ça et mes tee-shirts, ma pratique du jeûne le midi en période de ramadan, les nombreux nouveaux collègues...
Non, vraiment, je n'ai pas trop à me plaindre.
Du moins, c'est ce que je pensais.

Mais la vérité est ailleurs. Je sais que, dans l'ombre, on me veut du mal.
En revenant dans la salle des profs, l'évidence s'est imposée d'un coup.
Là, sur le mur d'en face, scotché à côté du tableau blanc, je l'ai immédiatement reconnu.
Puis j'ai compris que la marque de surligneur vert était destinée à mettre mon nom en valeur.
Je n'ai pas pu retenir une exclamation, un «Quiamisçalà?» inquiet qui n'eut pour seule conséquence que d'attirer l'attention des (rares) personnes alors présentes sur ce petit livret, dont je n'ai même pas pu lire la page en entier, tant j'ai été, d'un coup, noyé par la honte de voir là cet atroce poème même pas de moi, que j'essaie vainement d'oublier chaque jour et que quelqu'un s'est amusé à ressortir pour me confronter à mes errances passées...

Commentaires

Rhum Raisin a dit…
Moi, la question qui me taraude, c'est : Est-ce que Marvin est cet "ex-camarade de classe de l'époque avec lequel [tu as] malencontreusement pratiqué des relations sexuelles depuis" ?
Parce que, à force de te lire, j'ai l'impression de le connaître, ce Marvin. Et dans ce cas-là, en vengeance d'une nuit d'amour (à moins que ce fut l'après-midi?) qui se serait mal passée, il aurait ressorti ce vieux poème dont il aurait gardé une copie précieusement, puis, au courant de ton arrivée au collège, demandé à son petit frère de l'afficher dans la salle des profs. Comme ça, il se venge, en même temps, de l'escroquerie dont il a été victime au concours de poésie. Car même si tu lui as donné la récompense qu'il méritait, il n'a jamais eu les honneurs.
Pierre a dit…
J'ai été surpris moi-même de voir que j'avais cité Marvin dans ce billet en le relisant. Effectivement, j'en parle beaucoup trop. Il faudrait peut-être que je le hèle quand je le verrai passer la prochaine fois sur son vélo (mais il risquerait de tomber, s'il était trop surpris, ce serait dangereux, il pourrait m'en vouloir, non?). En tout cas, je réfute cette idée selon laquelle je l'ai privé des honneurs: nous étions premiers ex aequo, nous avons eu droit à un traitement similaire (il est d'autant plus scandaleux que nos cadeaux aient été si différents!).
Et, de toute façon, la réponse est non. Il y aurait peut-être une piste à creuser, mais je n'y crois pas trop (et c'était un soir, mais pas une nuit).
Anonyme a dit…
J'exige :
1) Une description de vos ébats adolescents avec Marvin (à moins qu'ils ne fussent racontés ailleurs dans ton "autoblographie", me relèguant au rang des lecteurs infidèles)
2) Le poème en question qui n'apparaît dans aucun des deux billets !

E,
Pierre a dit…
Alors:
1. il n'y a eu aucun ébat ni adolescent ni rien avec Marvin, c'est pour ça que la réponse est non dans mon commentaire précédent. Mais tu peux être rassuré, je ne peux te classer dans les lecteurs infidèles.
2. Évidemment, ça n'arrivera jamais. Je remercie ce concours de merde d'avoir eu lieu en 1994 (même si je n'ai pas vérifié si on pouvait le trouver sur 3615 Poèmes nazes).
Nataka a dit…
Bon, d'après ce que tu dis, il y aurait UNE personne hostile qui peut-être te garde une vieille rancune, contre TOUT LE RESTE du corps enseignant qui s'en fiche. Alors pas de panique.
On ne peut pas nous tenir rigueur de ce que nous avons fait au collège. Et en plus, ce n'est pas qu'un poème nul. C'est un poème nul qui a gagné un prix. Les moqueurs éventuels ne seraient forcément que des jaloux.

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